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Isabelle aimerait tant recevoir des nouvelles de son père ou qu'on lui parle de lui. Peut-être certains d'entre vous l'ont connu. Si c'est le cas, laissez un commentaire à la suite de ce billet. Ou envoyez-nous un message. On fera le facteur.
Bonjour Josette,
Je viens de relire vos souvenirs sur le site Rue du Pressoir.
Je m'appelle Isabelle, je suis née dans le 20e en 1955. En 1850, mes ancêtres se sont établis dans ce qui allait devenir le 20e. Mon grand-père, Georges Blaugy (né en 1900) était garçon de lavoir et ma grand-mère (née en 1898) s'appelait Léontine Delouard. Ils se marièrent et eurent six enfants, dont ma mère Denise Blaugy, la cadette. Ils habitaient au 1-bis Impasse du Pressoir, tout ce monde dans une seule pièce insalubre ! Ils étaient pauvres et le grand-père buvait comme beaucoup dans le quartier malheureusement.
Je me permets de vous écrire car vous avez bien connu le quartier et peut-être vous souvenez-vous de l'imprimerie (ou typographie) qui se trouvait Rue de Ménilmontant (et s'y trouve toujours). Vers 1954, un jeune homme d'une vingtaine d'années, Claude, travaillait dans cette typographie. Il était d'origine italienne (donc nom de famille italien). Il avait une grosse moto et un frère handicapé. Il eut d'ailleurs un accident avec cette moto, ma mère était avec lui comme passagère et se fractura la jambe. Peut-être que tout cela vous dit quelque chose ou peut-être connaissez-vous quelqu'un de l'époque qui pourrait s'en souvenir. Ce jeune homme a "fréquenté" ma mère vers 1953 pendant plus ou moins deux ans, elle avait 17 ans alors. Puis leur histoire s'est terminée à la suite d'une dispute, ils étaient si jeunes tous les deux. Mais elle était trop orgueilleuse pour lui annoncer qu'elle était enceinte de lui. Ainsi il ne l'a pas su. Et me voilà, 58 ans après... Il devrait avoir 78 ou 80 ans aujourd'hui. Ou peut-être, n'est-il même plus de ce monde. Quoi qu'il en soit, dommage que nous nous soyons manqués ! Depuis 1982, je vis en Italie, à Florence. Un jour, cela faisait déjà quelques années que je vivais en Italie, une sœur de ma mère me téléphona pour m'annoncer un décès en famille et en cette occasion elle ajouta : "C'est bizarre quand même que tu soies allée vivre en Italie, car ton père était italien tu sais". Non je ne le savais pas et je fus très impressionnée par cette nouvelle. Sans le savoir, j'étais retournée dans la terre de mes aïeux ! Et ce n'est que récemment que j'ai également appris qu'il était typographe, comme quoi l'atavisme existe... Moi aussi je travaille avec les textes, je suis traductrice spécialisée en juridique. On porte les choses en soi, sans le savoir. S'il était encore en vie, je ne voudrais pas rencontrer cet homme, pour ne pas risquer de déranger sa vie puisqu'il ne sait même pas que j'existe. D'ailleurs, ce serait impossible car je ne connais pas son nom de famille. Mais j'aimerais bien que quelqu'un me parle de lui, me dise comment il était, de quelle région d'Italie étaient ses parents. Peut-être même que ses copains de l'époque ont des photos pour que je puisse enfin me situer, comprendre d'où je viens exactement. Le site Rue du Pressoir prouve à quel point les gens sont attachés à leurs racines, même quand si elles étaient loin d'être blasonnées. Ainsi vous comprendrez que lorsqu'on ne sait rien de ses racines justement, on reste toujours un peu "bancale" dans la vie.
Je pense que vous pourriez m'aider, enfin, je l'espère de tout cœur, car vous connaissez encore beaucoup de personnes qui vivaient dans le quartier à l'époque. Vous pourriez leur faire part de ce message, peut-être que quelqu'un se souviendra du jeune Claude de la typographie.
J'attends de vous lire avec impatience, mais si je vous ai importunée, je vous prie de bien vouloir m'en excuser.
Avec ma mère Denise dans une rue du quartier vers 1957
« Ma mère, Denise, était peut-être celle dont parle Lucile quand elle écrit :
« J'étais aux premières loges pour apprécier les concours de gymnastique qui s'organisaient spontanément au carrefour des rues Maronites/Pressoir. Une certaine Denise dominait la bande de la tête et des épaules, spécialiste qu'elle était de la grande roue et du poirier ! ». Cette dame a d'ailleurs l'âge de ma mère et elle l'a peut-être connue (car elle écrit : "Je connaissais de vue l'ensemble des habitants de la rue du Pressoir ").
Moi-même, je suis née à l'hôpital Tenon en 1955 – où est mort mon arrière-arrière grand-père en 1883 - et j'ai vécu mes deux premières années Impasse du Pressoir. J'ai ensuite grandi à Fontainebleau et plus tard, à vingt ans, je suis revenue à Paris, seule, où j'ai vécu rue de la Solidarité.
Dans le tumulte de mes insomnies, je me suis finalement souvenue de l'orthographe du nom de ma grand-mère maternelle Delouard, et je me suis mise à faire des recherches sur Internet. Magie du web : j'ai trouvé l'arbre généalogique. Voici ce qu'il m'a appris :
La famille de ma mère, côté maternel, est arrivée dans le 19ème/20ème arrondissement, vers 1850, et a toujours vécu dans ce quartier ! Cette famille devait donc être connue car de 1850 à 1966, ça fait plusieurs générations. Moi qui n'avait jamais fait de recherches, car je croyais que ma grand-mère était de l'Assistance Publique, alors que ce n'était pas elle, mais mon grand-père qui était de parents inconnus, vous imaginez ma surprise ! Ma conscience s'est peuplée tout à coup de parents dont j'ai toujours ignoré l'existence, et voici qu'en un instant je connais leurs prénoms, leur métier, leur origine ! Quelle émotion !
Ma mère s'appelle Denise Blaugy (ou Blangy). Elle est née en 1937.
Jusqu'à l'âge de 6 ans, elle a vécu à Belleville où sa mère était concierge puis, vers 1943, sa famille s'est installée au numéro 1 bis Impasse du Pressoir.
Elle a fréquenté l'école primaire de la rue Etienne Dolet et m'a raconté : "Oh ! Je n'y allais pas beaucoup. J'y allais le matin parce qu'ils donnaient un verre de lait et des biscuits ", (peut-être que quelqu'un a-t-il des photos de classe des années 44/49 où l'on apercevrait ma mère ?).
Elle se souvenait de la place et de la fontaine, de la boulangerie qui offrait le pain non vendu. Son père s'enivrait dans les nombreux bistrots de la rue où il "rendait les bouteilles vides consignées pour en acheter une pleine ".
Elle se souvenait bien du matelassier dans la cour de la Rue du Pressoir et de l'épicerie de Madame Gilles - puisque située juste en face de "son" Impasse –, boutique dont parlent Lucile et Josette. Elle m'a souvent raconté qu'elle allait acheter du lait de chèvre chaque fois que passait le marchand de fromages dont parle aussi Lucile. Elle aurait travaillé quelque temps dans un atelier de maroquinerie du quartier qui faisait des sacs à main, si je me souviens bien de ses récits. Peut-être était-ce aux Etablissements Léon Weill dont parle Josette.
Sur le site de la Rue du Pressoir, un monsieur recherche son ami Serge Paumier ou Pommier, écrit phonétiquement. Je crois que ma mère avait connu son frère, si ma mémoire ne me trompe pas. Si ce frère existait encore.
De même que la petite-fille de René Normant qui a lancé un appel sur votre site : « Je suis à la recherche de toutes personnes qui pourraient avoir connu ma mère pour me faire partager quelques souvenirs et en savoir plus ... Peut-être pourriez-vous m'aider ou me conseiller dans ma recherche ? "
Lucile se souvient de beaucoup de choses. Josette aussi, bien qu'elle ait onze ans de moins que ma mère. Elle écrit qu'elle a retrouvé une amie qui vivait Impasse du Pressoir, cette dame se souvient peut-être de la famille Blaugy qui vivait au 1 bis de l'Impasse du Pressoir ?».Isabelle-Béatrice Marcherat
Aujourd’hui, je vous invite à un petit voyage historique. Nous parlerons du Belleville ancien mais pour éviter toute ambiguïté, positionnons le terme ancien, soit avant 1860 !
L’idée de ce billet m’est venue grâce à mon ami Michel Mazure qui a habité dans le quartier Couronnes, peu aprèsle carrefour avec la rue Vilin.
L’histoire de cette amitié n’est pas tout à fait ordinaire car je ne connais pas ... ou si peu Michel !
Un jour sur le site « Les Copains », je trouve une photo d’une tête qui me dit quelque chose ! Le post joint mentionne la recherche d’Elie Sasella qui fut un copain de jeunesse. Or Elie Sasella fut aussi un copain d’enfance, disons de la petite enfance soit de 6 à 15 ans. Nous avions donc un copain commun, mais pas tout à fait de la même période. Donc, indirectement, nous devions nous connaître.
Elie habitait en bas de la rue des Couronnes, côté gauche en montant, juste après le café La Mascotte. Ses parents tenaient une boutique qui vendait des frites, quelques légumes dont des patates à l’eau.
J’ai dû croiser Michel Mazure à l’école primaire rueJulien-Lacroix et probablement plus tard chez Elie. Mon cheminement scolaire, puis mes études m’avaient un peu écarté de ce copain du Boulevard de Belleville, mais nous sommes restés en contact grâce à notre coiffeur commun qui était un peu plus haut dans la rue des Couronnes. Ce dernier avait nos adresses, ce qui a permis plus tard les retrouvailles. Elie est aujourd’hui en Suisse (Lausanne) quant à Michel qui est devenu un excellent ami grâce à Internet, il vit en Bretagne. Tout ce long préambule pour mettre en évidence que les attaches bellevilloises sont toujours omniprésentes !
Revenons à notre sujet. Avant-hier Michel Mazure me fait parvenir des plans de Belleville des années 1860. Intéressant car, à cette époque, Belleville et Ménilmontant n’étaient pas intégrés à Paris, ce n’étaient que des villages aux portes de Paris.
Barrière des 3 Couronnes
Tous les quartiers que nous avons habités n’étaient que des jardins, des vignobles et des carrières ou anciennes carrières.
Pour les anciens du quartier « Pressoir-Couronnes », vous ne manquerez pas d’être étonné de découvrir que « notre » rue des Couronnesétait en fait la rue« des Trois Couronnes ». Elle prenait naissance à la barrièredesTrois Couronnes (très exactement làoù se situe le métro Couronnes actuel).
Son cheminement était le même qu’actuellement et rejoignait ce qui est actuellementla rue Julien- Lacroix, pour sa partie qui redescend vers Ménilmontant et qui était encore la Rue des Trois Couronnes.
Il est intéressant de noter quele tracé de la rue du Pressoirest déjà là, ce n’est qu’un chemin de campagne. De même la future rue Bisson.
« Mon » Boulevard de Belleville n’est encore que le Boulevard des Barrières, dit aussi Boulevard extérieur. En effet, à cette époque, Paris s’arrêtaità cet endroit et l’on pouvait y voirdressées les portes et barrières d’octroi. Idem à Belleville et à Ménilmontant !
En remontant la rue des Trois Couronnes ( notre rue des Couronnes), on pouvait donc croiser le carrefour avec la future rue du Pressoir. On peut observer que ce chemin de campagne avait déjà son futur parcours avec son angle droit tout à fait significatif ! Et oui les amis du « Pressoir », vous avez habité à « L’Ecorcherie » (pas grand-chose à voir avec le Pressoir qui pourtant a existé !).
Ce qui est aussi intéressant de noter, c’est l’ébauche de la future rue Vilin, quis’étendra plus tard en suivant la ligne de parcelle. Juste à cette pointe, ma famille vécut dans las années 1930 jusqu’en 1943.
Le carrefour rue Vilin/rue des Couronnes au début des années 1900
Que de changement en une cinquantaine d’années !
La future rue des Maronites existe déjà maisc’est le Chemin de Ménilmontantet l’autre chemin qui sera plus tard le rue du Pressoirse sent déjà quelques affinités de proximité et ne secache pas au jeu du « touche-touche » !
La rue de Ménilmontant,n’est encore que la route du même nom. Et quandon voit toutes ces parcelles de jardins et champs, on comprend mieux le nom de notre « Passage Deschamps ».
Si l’on revient au secteur « montagneux » du haut de la rue des Couronnes, on constate qu’il s’agissait de l’ancienne carrière dite de Mississipi ! Mais oui, Belleville, c’était notreAmérique à nous ! Ces carrières furent enpartie construites fin du 19ème, début du 20ème siècle. Néanmoins,il subsisteradevastes zones laissées à l’abandon. Ce seront les fameux terrains vagues, spectateurs de nos premières « cibiches », de nos premières batailles entre clans ou bandes, de nos premières cabanes, parfois de premières amourettes … bref, toute notre jeunesse.
Ah ! j’en vois quelques-uns sourirelorsque je fais référence au côté « montagneux » de notre quartier ! Bah oui quoi, les vignes, c’est bien connu, cela pousse beaucoup mieux sur les coteaux ! Ou du moins cela donne du meilleur vin !
Cette « montagne » a donnénaissance au bistroquetque l’on a pu connaîtreau pied de l’escalier immortalisé par Willy Ronis.
Café « Bois-Charbon » de la Montagne , en haut de la rue Vilin
Je poursuivrais à l’occasion ce petit retour en arrière historique. Pour l’immédiat, je vous laisse méditer sur le fait que vous avez vécudans« L’Ecorchoir », à proximité du Mississipi ! Il fallait le faire !Jean-Claude Rihard
Merci Michel d’avoir réveillé ma fibre bellevilloise et ménil-montagnardeavec ces plans historiques que chacun pourra visualiser ici
« J’ai toujours eu une tendresse particulière pour la rue du Pressoir, de vineuse réputation. Et chaque fois que j’y passais, je ne pouvais pas m’empêcher de penser aux moines de Saint-Martin-des-Champs qui possédaient là un pressoir. Et quand j’entrais dans un café pour y lever le verre à la santé de Bacchus, j’avais pleinement conscience que, depuis le Moyen-âge, la relève avait été maintenue. Cette rue a été malheureusement massacrée sans raison autre qu’un objectif spéculatif ».
Ces lignes sont de Michel Dansel, fondateur de l’Académie internationale du Rat, l’un des spécialistes du poète morlaisien Tristan Corbière et explorateur nyctalope de Paris et de ses faubourgs. Nous connaissions ses invitations à consentir au Paris incroyable (Editions Hachette, 1987), à arpenter différemment le Cimetière du Père-Lachaise (Au Père-Lachaise, Editions Fayard, 1973 puis 2007), voici que l’homme aux chaussettes rouges (parfois est-il ainsi surnommé) remonte le pavé des rues (celles de Belleville) et les aiguilles du temps (très haut vers 1940).
Il ne surprendra personne que ce défenseur des muridés féconds émette dans cet ouvrage une théorie sur le rat ayant justifié la destruction de la rue du Pressoir et de ses adjacentes. Michel Dansel les a souvent croisés en « son » Belleville sans que leur présence ne justifie à ses yeux qu’on (les promoteurs) saccage (et le verbe est faible) un faubourg rattaché à Paris en 1860 et où se sont attachés Arméniens rescapés du drame génocidaire et Juifs d’Europe centrale : Polonais, Allemands, Hongrois, Tchécoslovaques, Ukrainiens … De cette géographie accueillante, sorte d’île propice au sauvetage, Michel Dansel nous parle le cœur battant. Il rappelle que ce quartier (auquel il lie évidemment Ménilmontant) fut de tout temps dédié à la contestation, y compris l’anarchie. Qu’on ne s’étonne pas qu’il ait été pris pour cible par les chirurgiens normatifs !
Trente ans de souvenirs jalonnent ce livre. C’est assez pour que Belleville revive au temps de ses artisans nombreux, de ses marchandes des quatre-saisons, de ses attelages tirés par des percherons, de ses livreurs de pains de glace, de ses « accordéonistes aux larges bretelles» … « A Belleville, ceux qui étaient prioritairement de mon bief, de ma croisière, de mon rivage, de mon sillage étaient des artisans, des artistes, des saltimbanques, des déracinés, des marginaux positifs ». Le ton est donné. On voit par quel côté Michel Dansel remonte le temps.
Des exhalaisons reviennent, le son mat de très vieux outils, des trilles quelquefois familières. Certaines couleurs sont tout à coup repeintes. Des lettres se forment qui rappellent, au-dessus d’un commerce aujourd’hui disparu, un rendez-vous autour du zinc. Le café Au cadran populaire n’existe plus, emporté avec la rue Vilin par les mâchoires de la salubrité.
Michel Dansel se veut avant tout un piéton nocturne. C’est donc nuitamment qu’il ausculte Belleville sans être jamais tombé dans un piège d’Apaches ou de mauvais garçons. Jamais il ne vit briller une lame de couteau mais tant de pavés reflétant le faisceau pâle des réverbères brillent comme des miroirs. Et l’on voit s’animer rue des Couronnes, rue des Envierges, rue Julien-Lacroix, rue Ramponeau, rue de Belleville, rue des Cascades, sans que leurs façades écaillées ne constituent une menace. Rien n’est susceptible de s’effondrer ici. Tout tient magnifiquement debout dans son palais de mémoire. Et nous sommes empoignés par d’émouvantes réminiscences. Ainsi, dans un chapitre évoquant la Porte des Lilas (car Michel Dansel s’écarte généreusement d’un Belleville que l’on croirait étroit), nous sommes brusquement assaillis d’images en mouvement. C’est le marché aux puces que l’on voit vivre et que l’on avait quelque peu oublié. Je le vois distinctement. Je m’y promène, ma main d’enfant accrochée à celle de mon père. Et ce sont, « à même le bitume », des brimborions qui se mettent à danser, ceux que proposent à la pauvreté de nos bourses, « marchands de rien », biffins, chiffe-tire vendant « une vieille paire de chaussures éculées, un livre maculé et tout écorné, une ventouse avec encore un morceau de coton à l’intérieur, une assiette ébréchée, un corset élimé (…) yeux de poupée, réveille-matin veufs de leurs aiguilles, insignes oxydés aux couleurs ternies qui dataient de la guerre 14-18, vieux jouets qui avaient dû faire les délices de plusieurs générations de marmots ». Les souvenirs de Michel Dansel se composent d’étranges pépites. Pour nous, flâneurs à rebours, dans le paysage de l’enfance, elles s’assemblent comme un trésor. Nul doute que ce livre, aussi capital que les récits de Clément Lépidis ou un album d’Henri Guérard, constitue une fête, un réconfort et pour tout Bellevillois un événement majeur. Michel Dansel, grand écrivain, est l’ami qu’il convient de saluer. Guy Darol
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Ce fut un vrai plaisir de prendre connaissance de votre texte Monsieur Rihard, même s’il me confronte à nouveau à des événements que je préfèrerais n’avoir pas connus.
Je me souviens parfaitement de la rafle de 1942. J’avais sept ans à l’époque, et comme cela se passait en juillet, je n’étais pas à l’école. Je revois donc ces visages connus, gens de tous âges, des grands-parents jusqu’aux petits enfants, devant les portes des immeubles de la rue du Pressoir, leurs petites valises déposées sur le trottoir, l’air perdu ne sachant trop ce qui leur arrivait. Des policiers français les avaient fait quitter leurs logements et les encadraient. Ma grand-mère, pas plus que moi, bien sûr, ne comprenions ce qui se passait et ne pouvions imaginer leur sort futur.
Je laisse de côté la tragédie d’hier pour évoquer avec vous une communauté pittoresque à laquelle je pense toujours avec une certaine émotion. (J’avais moi aussi des petites amies d’origine polonaise). J’ai compris par la suite que dans ces années là, « le lieu magique » pour reprendre votre expression, rassemblait essentiellement des juifs d’Europe de l’est – disparus pour la plupart dans la tourmente - et remplacés, comme vous le soulignez à juste titre, par des sépharades émigrés d’Afrique du nord. Tunisiens en majorité. Aujourd’hui, le boulevard de Belleville est encore aussi animé mais différent et peut-être plus bruyant. Les odeurs de cuisine ne sont plus les mêmes, les pâtisseries frites regorgeant de miel ont remplacé les gâteaux à la cannelle et les couscous/poulet ont pris le pas sur les ragoûts au paprika ! La «tchache » est de rigueur et l’on trouve plus facilement sur le marché la coriandre que le persil commun !
La communauté asiatique change progressivement l’esprit du quartier : les magasins de la rue de Belleville sont repris l’un après l’autre par des Chinois … ou autres émigrés d’Asie dont je ne saurais discerner l’origine. Peu à peu leur influence s’étend au Faubourg du Temple après être grimpée jusqu’à la rue des Pyrénées et ne va pas tarder à rejoindre La Grisette. Je me suis laissé dire que les manifestations spectaculaires de la fête du Têt fatiguaient un peu la population de base… On « voyage » en arrivant à Belleville ! De nombreux Africains colorent maintenant la foule, spécialisés dans la vente à la sauvette de vieux habits ou ustensiles au rebut qui semblent pourtant trouver preneurs. Je ne suis pas sûre que ce soit tous les jours facile à accepter pour les Anciens bellevillois qui se sentent dépossédés de leurs racines. Ils sont de moins en moins nombreux, mais les jeunes « bobos », installés dans le quartier en toute connaissance de cause, participent allègrement de cette ambiance cosmopolite.
Voilà. Ce simple billet pour actualiser vos souvenirs. Comme vous avez pu le constater au fil de ce site, je retourne régulièrement sur mes traces… avec de plus en plus de nostalgie ! Lucile
Une fois n’est pas coutume, je vais vous proposer, à vous, anciens « Bellevillois-Ménilmontagnards », de laver notre linge sale en famille. Laver son linge est depuis la nuit des temps quelque chose de convivial,un temps de rencontre où l’on tue la corvée à grands coups de papotages et de petites histoires. Parce que, bien sûr, laver le linge n’est pas une partie de plaisir et c’était jadis un travail de force à grands coups de brosse et de battoir.
Nos anciens avaient bien plus de philosophie que nous et transformaient un tâche ingrate en partie de plaisir. Les lavandières, qu’elles soient du Portugal ou d’ailleurs, l’ont bien exprimé à leur manière et … en chansons.
A la ville, les choses étaient un peu différentes, mais cependant gardaient cet esprit convivial. Je propose aux anciens de la rue des Couronnes et de la rue du Pressoir un petit détour au lavoir de la rue des Couronnes. Ce qui suit est un extrait de mes mémoires: Une jeunesse bien ordinaire à Belleville , chapitre 3« Oh ... pays », sous-chapitre « Ou au lavoir ». Il fait suite à un petit développement chez le coiffeur avec ses larges conférences« au sommet ».
On y va ?
« … Si j’utilise l’expression « conférence au sommet », c’est pour bien faire prendre conscience qu’il ne s’agissait pas de discussions à deux ou trois, mais plutôt à huit ou dix. Il est même arrivé que tout le lavoir s’enflamme sur des thèmes d’actualité ! Attention, il ne s’agissait pas du lavoir de campagne, qui reçoit une poignée de ménagères, non là on est à Paris, dans une quasi usine !
En ce temps-là, bien sûr, les machines à laver étaient inexistantes dans les foyers bellevillois ( tout comme les réfrigérateurs). Non que les produits n’existaient pas, mais hors de portée financière des budgets familiaux dans les quartiers populaires !
Une partie de la lessive était souvent faite à la maison, avec une grosse marmite à bouillir. Cependant, ceci n’était pas toujours facile, et puis comment faire face à la quantité ?
Alors, régulièrement, ma grand-mère (Mamy) allait au lavoir de la rue des Couronnes.
Celui-ci se trouvait sur le trottoir de droite en montant, bien après la rue du Pressoir, après le maroquinier FERTZ et avant la boulangerie AMY (on me pardonnera l’orthographe de ces noms). Un point assez central dans le quartier. Je n’ai jamais connu le statut exact de ce lieu, privé, municipal… ? Par contre, je puis dire qu’il était pleinement utilisé !
Comme Mamy n’était pas des plus causantes, le lavoir c’était bien pour laver et rien d’autre !Revue de détail…
Ah ! le lavoir… un roman à lui tout seul !On aurait pu se croire à l’époque de Zola, et pour qui a vu le film « Gervaise » avec Maria Schell et François Périer, il n’y avait aucune différence malgré le petit siècle de distance.
C’était un local immense, avec au rez-de-chaussée la partie lavage et à l’étage le séchage.
Le rez-de-chaussée avait une hauteur de plafond très importante, peut être 5 à 7m. On entrait par un grand porche, et tout de suite à gauche se tenait la caisse où l’on achetait le prix desdifférentes prestations :
- Place de lavage main (utilisation d’un emplacement avecplusieurs bacs, battoirs…)
- Linge à bouillir. On recevait ainsi une grosse épingle de nourrice numéroté et destinée à marquer le paquet de linge qui sera mis à bouillir (dans une toile de jute ou filet grossier)
- Produits lessiviels (savon, eau de javel…)
- Essorage. Là encore on recevait un numéro en métal destiné à être attaché au paquet de linge à essorer
- Séchage (droit d’usage d’une place en étage pour étaler son linge à sécher).
Après la caisse on entrait dans le ventre du monstre enfumé !
A droite, dans la hauteur, à la verticale, et presque jusqu’au plafond (5m à 6m environ) la machine à bouillir. Une immense « marmite » tournant dans le sens des aiguilles d’une montre pendant près d’une heure avec de l’eau bouillante à l’intérieur. A chaque mise en route, elle était chargée jusqu’à la gueule de tous les baluchons de dizaines de ménagères … et en route pour la « bouillissoire » communautaire !
Ces baluchons étaient tous constitués d’une grosse toile maillée carrée, contenant le linge à bouillir. Les quatre coins étaient noués solidement pour ne pas s’ouvrir pendant l’opération « bouilloir ». Ils étaient identifiés par la fameuse grosse « épingle de nourrice » numérotée, afin que chacun puisse retrouver son bien. On rend à César le linge de César !
A gauche, à l’horizontale, l’essoreuse. Chargée à bloc de ballots de linge lavé … et en route pour un grand tour de manège communautaire !
Marmite et essoreuse étaient entraînées mécaniquement par des moteurs assez éloignés et un ensemble de poulies qui tournaient à grande vitesse et entraînaient des courroies. Il fallait garder ses distances car c’était assez dangereux. Il était déjà arrivé qu’une femme soit happée par les cheveux. Un beau carnage… et le linge à relaver !
Bien entendu, on ne passait pas impunément du « bouilloir » à l’essoreuse, il fallait tout de même user d’un peu d’huile de coude pour laver le linge entre ces deux opérations majeures.
La plus grande partie du local était doncconstituée de multiples emplacements de plans de bois inclinés disposés tête-bêche. Ainsi chaque ménagère avait ses compagnes de droite et gauche avec son vis-à-vis à proximité. Soit une potentialité d’échanges de six personnes !
La Suzanne Rihard, ma grand-mère, n’était pas de caractère à raconter sa vie, encore moins celle de ses voisins. Les potins, les ragots ce n’était pas son pain quotidien, elle avait assez à faire avec ses propres problèmes, son dévouement à sa famille étant total, chaque minute comptait. Et elle s’activait donc à s’acquitter de sa tâche dans les meilleurs délais, d’autres tâches l’attendant à la maison.
Entre ces plans inclinés de bois, plusieurs bacs en bois de différentes dimensions, chacun pour un usage spécifique. A chacune son organisation :un bac avec de l’eau savonneuse, un autre avec de l’eau javellisée, un bac pour le premier rinçage et un autre pour le second… Sans oublier pour le blanc, le bleu !
Je m’explique, comme nous étions en ville, pas de possibilité de faire sécher le linge au soleil et donc de la blanchir. Pour donner de l’éclat après la javellisation, l’astuce consistait à faire tremper le linge dans un bac d’eau contenant une solution de bleu de méthylène
Alors, levoici le méthylène ... magique !Tel le prestidigitateur, la grand-mère mettaitdans un petit chiffon noué par un élastique ses deux ou trois pincées de cette poudre bleue que l’on pouvait acheter chez le marchand de couleurs (ou droguiste). Ceux qui se souviennent de la rue des Couronnes se rappelleront volontiers l’existence de deux marchands de couleurs à 30 mètres d’intervalle dans le bas de la rue des Couronnes !
Le tout était mis dans un bac d’eau claire ou le linge blanc serait mis à tremper. Résultat, un linge blanc avecune très légère nuance bleutée, renforçant ainsi l’aspect de propreté. Plus banc que blanc, cela vous dit quelque chose ?
Le processus « lavoir »était immuable. Dès l’arrivée, munie de ses jetons et autres numéros métalliques, ma grand-mère s’empressait de porter son paquet de linge à bouillir. Elle a toujours été très organisée pour économiser autant son temps que son peu d’argent. Donc, dès le départ du 52 boulevard de Belleville, elle avait déjà préparé ses paquets de linge sale et pouvait donc mettre à bouillir de suite, puisque le tri avait déjà été fait.
D’autres passaient un bon moment à faire le tri sur place. Lorsque c’était fini, la « marmite » tournait déjà et il leur fallait attendre le tour suivant ! Mais peut-être, était-ce là une bonne occasion d’être un peu plus longtemps avec les copines à échanger des nouvelles !
Pendant que le linge était à bouillir, la grand-mère était « au charbon » sur le linge qui ne nécessitait pas l’ébullition à 100°C ! Et que j’ te savonne, et que j’ te frappe à coups de battoir, et que j’ te rinçe et rebelote.
Tout ce travail au milieu d’un bruit infernal, des voix qui s’élevaient pour se faire entendre, l’humidité ambiante, les odeurs plutôt désagréables, sans oublier les autres participants moins bruyants mais assez nombreux qu’étaient les rats installés comme chez eux, gros quasiment comme des chats, à l’affût d’une saleté à ronger et qui bougeaient à peine, même lorsqu’un battoir envoyé avec force leur passait au raz du museau. Z’avez d’jà vu un vrai rat d’égout ? Presque aussi gros qu’un chat !
Quant tout était terminé, tout ce joli linge passait au trempage final et alors, on pouvait aller chercher celui qui sortait de la « marmite ». Et c’était reparti ! Savon de Marseille, battoir, rinçage … Arrivait l’étape du rinçage final où certains vêtements subissaient le « javellisé » ou le méthylène. Le rinçage terminé il fallait alors préparer un ou plusieurs balluchon selon le type de linge et porter tout cela à l’essorage. Tout était enfourné dans cette immense machine (environ 3 à 4m de diamètre) positionnée cette fois à l’horizontale contrairement à la « marmite ». Cette opération durait environ 10 mn à l’issue desquelles chacun pouvait ramener son linge à la maison ou le cas échéant le mettre à sécher à l’étage du dessus.
Cette dernière option était toujours celle retenue par ma grand-mère car nous avions si peu de place à la maison ( 30 mètres carré ) que l’on ne pouvait imaginer y faire sécher du linge pour 6 personnes !
Au-delà de ces contraintes « spatiales », cette option recevait très largement mon assentiment … et celle de ma copine Yolande. En effet, le coin séchage était un terrain de jeu fabuleux pour nous enfants ! Agréable et intéressant. D’abord, on ne pataugeait plus dans l’eau de lessive, on était au sec, pas de rats, et surtout nous bénéficions d’un immense terrain de cache-cache. Un vrai labyrinthe !
Ce local à séchage était situé au-dessus du lavoir, occupait toute la surface de ce dernier et n’en était séparé que par un plancher. C’était en quelque sorte les combles, couvertes par un toit, mais ouvertes à tous vents. On y accédait par un escalier de bois quelque peu vermoulu compte tenu de l’immense humidité régnant au rez-de-chaussée.
Toute cette partie « comble » était compartimentée non par des parois, mais par des cloisons en grillage, lesquelles pouvaient être fermées avec un cadenas personnel, ceci pour ne pas se faire « faucher » le linge par quelqu’un d’autre. Et propre qui plus est !
Il y avait là, peut-être, une soixantaine de ces compartiments, certains accessibles, car encore libre, d’autres pas car déjà occupés. Chaque local était équipé de fils métalliques tirés dans toute la longueur et permettant d’étendre le linge. La location était pour un jour ou deux. Pendant que les mamans installaient ce linge nous en profitions pour effectuer de mémorables parties de cache-cache en cavalant à travers les emplacements libres et ceux dans lesquels les mamans étaient à l’œuvre ! Imaginez les scènes au milieu des draps… Certes, en regardant par le dessous on pouvait distinguer les jambes du copain ou de lacopine cachés un peu plus loin, mais en pratique ce n’était pas si simple car la quantité de linge qui pendouillait, cassait la perspective et ce que l’on pensait tout proche était plus lointain et réciproquement. Entre temps, le comparse avait de nouveau changé de place !
Le tout au milieu d’une étendue de linge tout propre. J’en ai gardé un souvenir olfactif quasiment intact.
Quant enfin le linge était sec, on venait le récupérer, le plier, le remettre dans le baluchon en grossière toile de jute et c’était le retour à la maison pour le repassage. L’épopée lavoir avait lieu deux fois par mois et entre les deux, les petites pièces étaient traitées à la maison, et bouillies dans une marmite dédiée à cela. Bien sûr, Javel et bleu de méthylène restaient de mise !Jean-Claude Rihard
Passage des Mûriers ⚆ Crédit photographique ☞Henri Guérard
L’exil est un concept-carrefour, se situant à l’intersection d’un (non) vouloir individuel, d’une nécessité souvent impersonnelle ou supra-individuelle, et d’un espace conçu en termes de désirabilité/accessibilité. Il convient de prendre comme point de départ la définition du Grand Larousse encyclopédique qui assigne à la notion ses significations le plus fréquemment rencontrées : « expulsions hors de sa patrie » ; « séjours pénibles, loin d’un lieu ou de personnes regrettées ».
Ces jours-ci, traversant le Père-Lachaise, j’ai pensé à TRISTAN, (Tristan de Iseult) qui remplit sans doute ces conditions. Il sera effectivement contraint à quitter sa patrie, ou, du moins, l’être qui objective son sentiment d’appartenance symbolique, son sens de la communion ; en plus, son séjour sera effectivement pénible, même feint, car il équivaut à une marginalisation sinon à une exclusion totale de la société. Il est vrai, d’autre part, que la valeur purement géographique de l’exil n’est guère mise en lumière ; TRISTAN n’a pas le mal du pays, il a plutôt le mal d’amour, si on peut dire, pour se confronter à une réalité que l’ont perçoit aliénante.
Exil veut dire, contrainte de quitter son « chez soi » (qu’il s’agisse d’un lieu ou d’un être) pour se confronter à une réalité que l’ont perçoit aliénante.
Habiter un quartier. Par exemple, Ménilmontant ou Belleville, que beaucoup d’entre nous connaissent. Le quartier occupe, sans doute, dans la vie urbaine des citadins, une belle place, en tous cas le citadin doit y trouver sa place et nous devons faire le nécessaire pour qu’il la trouve. Ni entité délaissée ni univers social privilégié. Le quartier doit apparaître comme un lieu de vie relativement important, diversement investi par les habitants en fonction de leurs situations sociales et résidentielles et selon les caractéristiques morphologiques et sociales du lieu, je dis bien du lieu, dans lequel ils résident. En même temps, dans cette courte analyse je voudrais montrer que cette diversité ne se résume pas à l’opposition entre habitants de quartier à la mobilité réduite et citadins nomades dépourvus de toute attache avec un lieu de résidence. Au contraire, dans certains lieux, comme dans d’autres contextes urbains, les individus qui se caractérisent par un fort ancrage dans le quartier sont plus fréquemment des citadins mobiles que des citadins sédentaires.
Citadin, j’ai été maintes fois exilé. Né dans une maison au bord d’un ruisseau dans le sud de la France, sous la ligne médiane de Bordeaux et la frontière franco-italienne.
Venu , à Paris, après maints aboutissements, nulle part ou un peu partout, par des chemins de traverses. Je suis arrivé dans le 20e arrondissement de la Capitale pour un temps court qui dura l’épopée d’un vaste amour. Je devins résident d’un des plus populaires arrondissements de Paris en venant vivre passage des Mûriers. Un passage qui montait et que les enfants aimaient descendre à chariot à quatre roues avec une adresse fulgurante, comme eux seulement savent le faire. Rien que ces deux noms de rues me rappellent encore ma région natale aux confins du Lot et de la Dordogne où sont si nombreuses les haies avec ses mûres et les arbres fruitiers.
Ménilmontant, je le connais un peu. Je l’ai sillonné dans tous les sens, à pied et en voiture, de nuit comme de jour. Moi, natif d’ailleurs, j’ai découvert la rue du Pressoir encore intacte pour la première fois en 1960. C'est-à-dire avant que les troubleurs de vie par les destructeurs de l’Etat viennent perturber les habitants du quartier, où existait alors, calme, travail et espoir.
J’y revenais de temps à autres, rue du Pressoir, combattre les voleurs de rêves, opposer résistance à ceux dont les déchaînements étaient néfastes à l’équilibre du quartier, constatant bien plus tard, les dégâts lamentables de rues éventrées, crevées. Plus rien n’était pareil à la vie paisible et quelque peu campagnarde qu’il y avait autrefois, même si tous savaient que l’habitat avait grand besoin d’être restructuré et rénové. C’est cela que nombre d’entre eux attendirent longtemps, très longtemps. Leurs souhaits ne furent que très peu exaucés. La blessure fut longue pour qui attendait avec espoir qu’arrive le droit au logement, l’attente d’être relogé, le droit à la paix. Bien évidemment ont leur proposa, très loin du lieu où ils habitaient, de nouveaux logements avec plus de confort certes mais il n’y eut pas beaucoup de justice ! Lorsque, juste après le chaos, je suis revenu rue du Pressoir, j’avais personnellement le sentiment terrible que des hélicoptères bombardiers avaient survolé les pâtés de maisons, pour tout casser et tout anéantir.
Puis longtemps, durant des années et des années, la laideur de la rue nouvelle me fit reculer à l’idée de faire le pas du retour, celle de revenir dans ce qui avait été un joyau du 20e arrondissement, l’une des parties de ce village du beau Paris. Je n’acceptais plus « d’être du quartier ».
Car la rue du Pressoir fut pour moi, en exagérant un peu, mes Champs-Elysées lorsque, jeune, je la découvris pour la première fois avec ses hôtels, boutiques, commerçants, garages, épiceries, costumiers et tailleurs, miroitiers, coiffeurs, boulangerie-pâtisserie, maroquiniers, librairie, joailliers, ses nombreux cafés, ses corporations de métiers, ses artistes accordéonistes, bals, saltimbanques, tireuses de cartes, sa jeunesse, ses belles filles et ses musiciens. Que de changements, pour moi, ayant passé mon enfance, dès le lever du jour avec le chant du coucou et sous le regard des oiseaux, au milieu des escargots, des fouines, des écureuils, des lapins, des poules, des oies et canards. Lorsque je revenais rue du Pressoir, c’était un vrai enchantement.
Je connais hélas la destruction en sa totalité d’un lieu, celui où j’habitais, le Passage des Mûriers.
Du passage reste seulement le plan avec son nom minuscule imprimés dans ma vieille Editions L’indispensable et le souvenirde sa pente et de ses pavés à jamais gravés dans ma mémoire. J’habitais là avec ma fiancée. Je dirais mieux, c’est là que m’accompagna ma fée, Ludmilla, dans une belle portion de vie. Ce peu de temps quime semblaient des années de connivences, de tendresse, de passion et de rêve. Notre tout petit logement était situé tout en haut d’un immeuble étroit, rocambolesque, beau et ancien, d’une architecture séduisante du début du 19equi tenait d’un vieux décor de théâtre. Notre lit fabriqué de mes mains où reposait notre matelas de laine, cousu à la main rue Orfila, si j’ai bonne mémoire, était installé dans la petite alcôve qui jointoyait notre chambre que j’avais tapissée avec mon amoureuse Ludmilla qui en grec signifie arc-en-ciel, Ludmilla ma bellevilloise native deDiafani, île de Karpatos. L’alcôve n’était pas grande, cependant elle suffisait pour tout notre amour. Au petit matin, le jour blafard entrecroisait les premiers rayons du jour qui apparaissait par la lucarne de la cuisine et de la petite fenêtre du salon aux rideaux blancs brodés à l’image du Parthénon et signés à chaque extrémité d’un bleu de mer. Cette frange de lumière nous faisait ouvrir les yeux et admirer le peu de ciel visible, encore étoilé d’été ; de l’automne plus gris, et puis de l’hiver sévère ménilmontois, avec les flocons qui voltigeaient et donnaient peu à peu, luminosité et splendeur, au quartier, en voie d’insalubrité triste, entouré de collines, le soir blanches et enneigées. Une fois la nuit passée et le café avalé, on dégringolait les vieux escaliers qui nous portaient vers le village pour aller travailler en nous faufilant parfois derrière le beau Saint-Bernard docile, trottinant devant son maître, esquivant le camionneur livrant le lait où venaient roder des chiens bâtards que Ludmilla nommait « renards » et qui aboyaientt à nos trousses. On riait en rejoignant quelque peu essoufflé la rue des Partants sur notre itinéraire. Nous n’avions peur de rien. Nous possédions l’amour. Seuls au monde, Ludmilla et moi, nous allions travailler, en nous tenant par la main avec la difficulté de nous séparer au moment de prendre, elle son vélo, et moi, le 96. Ces souvenirs sont là, vivants dans mon cœur. Le passage des Mûriers et nous deux, fous du bonheur de vivre. Du haut de Ménilmontant la vue était superbe, toute la capitale était à mes yeux ! La montagne de Paris intra-muros était unique. Et le soir, revenant à pied de mon travail, du haut de la rue Piat, la vue sur la ville était encore à moi. Tout cela est dans ma mémoire, comme un diamant dans mon catalogue du cœur, un trésor dans mon œuvre de vie.
Hélas aujourd’hui, le Passage des Mûriers n’est plus. Ce passage défunt aux consonances si méditerranéennes qui me conduisait chaque matin vers les cimes de la ville, et dont Monsieur Henri Guérard nous a laissé des traces brillantes dans son livre de photographies, a vécu.
Je suis un réfugié de nulle part ainsi que le dit de lui-même Frédérick Tristan qui n’était pas seulement le barbare dont peu à peu il souhaita nous donner l’image. Bienvenu Merino
Ignorer Henri Guérard, c'est entraver la marche à rebours, nostalgique et parfois douloureuse, qui nous mène dans les rues et passages d'autrefois, parmi les terrains vagues et les cours, sur les traces d'une enfance qui connut la rue Vilin et le Passage Deschamps. Le photographe Henri Guérard fut le témoin de la rue du Pressoir avant sa destruction. Il réalisa, en 1960, quelques clichés où l'on voit la poussière de nos immeubles transformés en décombres. Il est indispensable de se procurer Le regard d'un photographe sur Belleville, Ménilmontant, Charonne (1944-1999)publié en février 2004 aux éditions de L'Amandier.
Pour vous convaincre de la nécessité de posséder un tel ouvrage, voici quelques photographies extraites de ce volume qui en contient 244.
Avant de recevoir son nom actuel, en 1867, la rue des Maronites se nommait rue de Constantine. Elle rencontre la rue du Liban, pays qui pratique le rite syriaque antiochien. Le fondateur de l'Eglise catholique orientale est saint Maron.
Notez, sur la droite, l'entrée de la rue du Pressoir, à l'angle de laquelle se tenait (cette photographie est de 1900) un commerce de vins, ce qui est la moindre chose lorsqu'on sait que cette rue a pris son nom en souvenir d'un Pressoir installé dans les parages par les moines du prieuré de Saint-Martin-des-Champs.
Vous êtes né en 1930, rue Ramponneau. Essayons de remonter le temps. Quels sont les souvenirs les plus anciens que vous conservez de cette rue ?
Les plus anciens ? Je cherche et curieusement je ne trouve pas. C'est pour moi tout un ensemble, la porte du 16 de la rue près de laquelle je me suis si souvent adossé attendant les copains ou regardant les passants car il se passait toujours quelque chose dans ma rue. Mais ma rue c'était aussi les soirs d'été, quand j'étais couché la fenêtre grande ouverte, les pièces n'étaient pas grandes et mon logement était sous les toits, en zinc comme tous les toits de Paris. Je m'endormais tard et tous les bruits extérieurs me parvenaient. Comme je connaissais si bien ma rue, je devinais d'où venait chaque bruit : une porte manœuvrée au loin et je me disais, tiens quelqu'un entre au 13 ou quelqu'un sort car le bruit n'était pas le même quand on entrait ou que l'on sortait ; la porte du 12 ou celle du 20 et 22, celle-ci était très lourde et avait un bruit profond, la porte du 16 s'ouvrait ? Le bruit de pas dans le couloir, le cliquetis des fers des souliers, le tintement de pièces de monnaie remuées par la main dans la poche et je savais aussitôt que c'était Kiki qui rentrait. Lui seul faisait sonner sa ferraille et il en avait toujours pas mal dans ses poches. J'en profitais souvent. Quand, adossé à la porte du 16, Kiki passait et s'arrêtait pour me dire: Salut Robert, alors t'es pas au cinoche ?Non monsieur Kiki.C'est la dèche alors ?Plutôt, oui. Alors il glissait sa main dans sa fouille et en sortait une poignée de pièces. Tiens, qu'il me disait, va t'payer une toile.Merci, monsieur Kiki, merci. Il s'éloignait dans le couloir et j'entendais les fers résonner encore quelques instants.
La nuit, il y avait les siffleurs, souvent de très bons. Cela ne se pratique presque plus de nos jours ou ils ne valent pas ceux de mon temps. Parfois, l'un deux arrivait du bas de la rue et je le suivais à l'oreille jusqu'en haut à la rue de Tourtille.
Toujours en été, mais le matin de bonne heure, aux environ de sept heures, j'entendais quelques notes sifflées par un gars dans la cour, sans réponse, l'arrivant lançait alors : Marcel, c'est l'heure ! Une tête passait par une fenêtre et le gars Marcel répondait : J'arrive toute suite.
Il était habituel autrefois que les copains de travail viennent se chercher chez eux pour ne pas faire le chemin seul et puis pour parler, tout simplement. Moi aussi mes copains ont bien essayé de venir me chercher pour partir au boulot, mais ils ont vite abandonné, j'étais vraiment trop en retard !
La nuit dernière, je me suis réveillé, mon réveil indiquait 2 h 45 et une pensée trottait dans ma tête. Je l'avais mon souvenir le plus ancien, et il n'était pas loin. J'aurais pu d'ailleurs en parler bien avant. Mon souvenir le plus ancien, c'est une porte qui ouvre sur un mur blanc juste à côté, à droite du cinéma Cocorico, une petite porte qui donne accès au dispensaire appelé La goutte de lait. C'est dans cet établissement que bon nombre de petits bellevillois ont reçu les premiers soins destinés aux nouveaux-nés. Je suis sûr que nous sommes nombreux à nous en souvenir car c'est là que bien souvent on nous réparait quand l'enfant que nous étions se blessait ou souffrait de quelques maux. Avec ma maman, nous entrions toujours par la rue Desnoyer, juste avant les portes de secours des Folies Belleville.Une grille fermait l'entrée. Il y avait un petit appentis sous lequel se serraient quelques voitures d'enfant, le tout terriblement poussiéreux. Rien que de franchir l'entrée me mettait dans un état de peur insurmontable. La grande salle que je trouvais immense et ses bancs nombreux placés les uns devant les autres et dans le fond, une sorte de scène sans décors, abandonnée. Les murs très hauts qui montent, montent uniformément blancs, sont tristes à pleurer, et je retiens déjà mes larmes car j'ai toujours peur ! Maman produit des documents. Je suis inscrit, nous nous asseyons sur un de ces bancs et attendons. Je la revois cette porte, petite et antipathique, je sais que c'est par elle que tout à l'heure une infirmière tout de blanc vêtue, portant sur la tête une sorte de linge blanc avec une petite croix rouge arrivera et braillera mon nom. La panique s'emparera alors de moi et blotti contre ma mère je la suivrai, pitoyable.
Clément Lépidis, dans ses chroniques bellevilloises, décrit un quartier voué à la chaussure et il évoque parmi ceux qu'il appelle "les colonels de la bottine" les noms de Gravanis, Milonas, Katarklakis, Tokatlérian ... Arméniens ayant survécu aux massacres de 1915, Juifs ashkhénazes chassés par les pogromes de Pologne et de Russie, Grecs fuyant la Turquie composent alors l'essentiel de la population du quartier. Vous-mêmes êtes d'origine arménienne. Comment vivent ensemble les habitants de notre vingtième arrondissement ?
Mon père était Arménien, ma mère Française, mais notre "maison" était, du fait de l'entourage de la famille, grands-parents, frères et sœurs vivant dans le même immeuble ou le même quartier, "française".
Bien sûr, la chaussure a tenu une place importante dans les métiers pratiqués par les immigrés à Belleville et particulièrement par des Arméniens, mais il y en eut bien d'autres : tailleur, lapidaire, épicier, restaurateur, artiste peintre, musicien... Chaque nationalité avait sa spécialité. Les Arméniens : chaussure, tricot, lapidaire, épicier, restaurant, tailleur. Les Juifs : tailleur, confection et vente, horloger, restaurant, boucher. Les Italiens: la construction, le ciment et le plâtre, épicier. Les Arabes : ventes de primeurs, surtout à la sauvette, restaurant.
Belleville a accueilli depuis très longtemps les immigrés de toutes origines. En plus de ceux que vous avez mentionnés, il faut citer aussi les Italiens, les Espagnols, des Manouches qui furent nombreux à s'installer dans ce quartier. Dans l'ensemble tout se passait de manière acceptable, chacun vivant sa religion, ses coutumes, sa manière de se nourrir. Exemple, il y avait des épiciers ou bouchers italiens, espagnols, arméniens, cacher et hallal. Mais suivant la conjoncture, les étrangers étaient plus ou moins acceptés, surtout quand le chômage s'installait. Les immigrés même naturalisés étaient accusés de prendre le travail des français. On reprochait aux Juifs de s'entraider, on regrettait surtout de ne pas être capable de pratiquer cette même aptitude et la rivalité s'installait car rapidement leur situation financière s'améliorait. Il n'y a rien de changé de nos jours. L'Arménien je crois, s'est généralement bien intégré en France. Il n'est pas d'un naturel violent ou agressif, il est discret et hospitalier, mais je m'arrête ici, on pourrait m'accuser de chauvinisme.
L'arrivée massive à la fin 1956 de français et autres fuyant l'Afrique du nord suite aux déclarations d'indépendance entraîna un bouleversement radical de la société bellevilloise. Tout alla très vite et le quartier fut submergé par ces nouveaux arrivants. Les anciens habitants partaient vers les banlieues et laissaient la place libre. Belleville, celui d'avant, se mourait et ne s'en remettrait jamais. Belleville de la Courtille, du sieur Ramponeau cabaretier, des guinguettes mais aussi Belleville de la Commune de 1871, de la Libération en 1944 et des ouvriers de 1936 qui luttaient pour leur pain et leur dignité.
A présent je suis incapable de dire de quoi se composent les habitants de ce quartier. Les derniers arrivants, d'après ce que j'ai pu constater sont asiatiques. Irrémédiablement je crois, leur présence s'étendra à tout le périmètre et émergera alors un 14° arrondissement bis.
Quels métiers exerçaient vos parents ?
Ma mère était sans profession. Elle a élevé quatre enfants et a été de ce fait amplement occupée. Mon père avait appris notre langue qu'il maîtrisait assez bien. Cela lui permit de l'enseigner à ses compagnons d'immigration lors de leur arrivée en France. Arrivé à Paris, il pratiqua divers métiers : traducteur, lapidaire, canevas de tricot, épicier, et pour finir rédacteur dans un journal de langue arménienne. Trouver un emploi en France n'était pas toujours facile. Il fallait obtenir pour les apatrides un droit de séjour et de travail. Pas toujours aisé à obtenir.
Les appartements étaient exigus et la vie quotidienne se déroulait en partie dans les cafés. Vous souvenez-vous de ces cafés du dimanche, des habitudes que l'on y avait ?
Les appartements étaient cela est vrai exigus. Dans notre immeuble, il n'y avait que des logements de deux ou trois pièces maximum. Pour ce qui nous concernait, la fonction de ma grand-mère et de ma mère ensuite, nous facilitait l'occupation de plusieurs logements, ce qui me permit à treize ans, au départ de mes sœurs, de me retrouver le seul occupant d'un deux pièces. Pas de vrais problèmes de ce côté.
L'Arménien est quand même un oriental et aime à se retrouver au café, c'est son agora. Il y retrouve ses coreligionnaires et peut parler sa langue maternelle. Le dimanche, vers midi, ma mère m'envoyait chercher mon père àLa Chopequi se tenait à l'angle du boulevard de Belleville et de la rue Pali-Kao. C'est dans cette brasserie que se réunissaient en grande partie les Arméniens du quartier. Papa me disait :Va, commande-toi une grenadine, je viens de suite. Le temps passait :Papa il faut venir, maman va crier.Oui, oui je viens. Enfin la partie de jacquet, de dominos ou de belote terminée, il consentait à me suivre et nous rentrions à la maison. Ma mère le sermonnait mais cela ne durait pas longtemps car mon père avant de rentrer passait acheter un ou deux kilos de raisins, de pêches ou que sais-je encore au vendeur de quatre saisons à la sauvette du coin de la rue.
Quelles étaient les distractions d'un enfant de dix ans, rue Ramponneau ?
Dans cette rue (et celles de tout le quartier), j'ai pratiqué tous les jeux de l'époque : la marelle, la corde à sauter, saute-mouton, le foot avec un ballon ou même une boîte à conserve, les osselets (qui venaient directement de la boucherie) à "dos-creu-i-s" difficile ! Le traîneau que je construisais avec une planche. Un jour, j'ai eu la mauvaise idée d'utiliser la planche à laver de ma mère pour mon œuvre. Il m'en a cuit et le chat à neuf queues a laissé quelques marques sur mes cuisses. A l'époque, les jeunes garçons ne portaient que des pantalons courts et on ne se posait pas la question : Faut-il oui ou non interdire la fessée? Quelques morceaux de bois et des roulements à billes que j'allais récupérer au garage du coin. Ah ! Ça en faisait du bruit quand nous dévalions, parfois à trois ou quatre, la rue en partant de la rue de Tourtille jusqu'au boulevard. Il y avait peu d'automobile dans les rues. La rue était à nous !
Le cinéma, je l'ai déjà évoqué, il m'est arrivé d'y aller à une certaine époque plusieurs fois par semaine. Un détail, la veille au soir du jour de ma naissance, ma maman et mon papa avaient assisté à une séance de cinéma du quartier (je n'ai jamais su lequel) où était projeté Le collier de la Reine de Gaston Ravel et Tony Lekain, film de 1929. Ma mère a ressenti les premières douleurs lors de cette séance, m'a-t-elle confié un jour. Pas étonnant alors que j'aime le cinéma. Mais j'aimais aussi le music-hall et le théâtre. A ce dernier j'allais pourtant seul, mes copains ne devaient peut-être pas aimer. J'ai assisté à des opérettes ou des marivaudages et aussi à l'opéra comique Le Pays du Sourire de Franz Lehar. Je me relis et je m'aperçois un peu tard que j'ai dépassé mes dix ans. Excusez-moi, tant pis, mais je ne gomme rien de ce que j'ai écrit, je suis lancé !
Vous avez commencé de travailler à l'âge de 14 ans. Quels furent vos premiers métiers et vous emmenaient-ils loin de Belleville ?
Même un peu avant car afin d'être embauché j'avais modifié de quelques mois ma date de naissance. Mais c'est très loin tout ça et j'avoue que cela se chevauche un peu dans ma mémoire. Je me souviens très bien des différents métiers que j'ai pratiqués, où, dans quel établissement à la rigueur, mais pas dans l'ordre chronologique et il faut préciser qu'en ce temps, trouver du travail était relativement facile, mais mal payé. J'ai été coursier, maroquinier, plombier-zingueur, terrassier-poseur de rails (je vous en parlerai à une autre occasion, c'était Trappes, j'ai failli y laisser mes 14 ans ! ). Coursier à Paris vous apprend à bien connaître la capitale. Je l'ai parcouru de long en large, du nord au sud, de l'est à l'ouest, à pied, en métro, à vélo, en triporteur (Bloto Frères, rue Charlot à Paris) avec son imposant grelot. Difficile à conduire, l'engin se mettait facilement en équerre. Ou encore avec un plateau à ridelles et les chevaux à conduire. Les chevaux demandent de l'entretien, des soins. Je ne vous expliquerai pas le travail du palefrenier qui est riche d'apprentissage, mais le ripeur devait la journée terminée dételer les bêtes, les conduire à l'écurie et les installer dans leurs boxes respectifs en évitant de placer trop près deux chevaux qui se querellent. Un détail, les chevaux de trait son harnachés de collier, de sangles et divers équipements très souvent parés de grelots qui doivent êtres nettoyés et passés à la poudre à faire briller ( le Miror). Ils doivent reluire et sonner gaîment. J'ai connu des chevaux qui refusaient de partir travailler si leur collier n'étincelait pas ou si oublieux ou fainéant vous aviez oublié de cirer leurs sabots à la graisse noire.
Parlez-nous de ce bonheur : être un piéton de Paris.
Que l'on parcoure la capitale en travaillant ou en flânant,pour celui qui sait "regarder", Paris offre les mêmes choses : joyaux ou ruines, beauté ou laideur. Je me souviens, je débutais dans un emploi de coursier chez un maroquinier près des Champs–Elysées. De retour d'une livraison, un sac à main magnifique chez une Madame de V…, le patron me fit la remarque suivante : Distu en as mis du tempspour livrer. Je lui ai aussitôt répondu : Monsieur, ce n'est pas ma faute mais vous êtes trop bien situé, le quartier est rempli de belles choses à voir alors il m'arrive de m'arrêter et de regarder. Il a souri et il est parti sans rien ajouter.
Est-ce à la suite de la démolition, en 1960, de l'immeuble dans lequel vous êtes né que vous fûtes contraint de quitter Belleville ?
Non, du 16 où je suis né ainsi que mon fils aîné nous avons emménagé un peu plus bas au 10, un cinquième étage avec une pièce de 12 m² et un minuscule réduit faisant office de cuisine : eau, gaz, électricité, le confort. Les wc étaient sur le palier que nous partagions avec deux autres locataires. Il y avait une porte-fenêtre prolongée d'un tout petit balcon avec une vue plongeante sur la rue Ramponeau et le boulevard de Belleville, je pouvais même voir mon école.
Pour nous chauffer nous avions acheté un chauffage au gaz Butane mais qui produisait beaucoup de vapeur et donc des gouttes d'eau au plafond qu'il fallait éponger avec une serpillière au bout d'un balai, ce qui faisait éclater de rire mon fils. Une petite fille venue accroître notre famille, la surface habitable s'avérait vraiment trop réduite malgré les éléments en bois avec portes à glissières fixés sur les murs que je fabriquai moi-même.
Départ pour Rungis ou nous resterions quelques mois car le loyer était trop élevé, ensuite Bagneux et la naissance de notre dernier fils dans un neuvième étage d'où l'on voyait les avions atterrir à Orly. L'occasion se présentant et qui me rapprochait encore de mon lieu de travail, nous nous sommes installés à Issy-les-Moulineaux où je suis en train de rédiger non sans mal,mais avec plaisir, les réponses aux sujets que notre cher et grand Ami Guy Darol me propose. Et je le remercie sincèrement pour cet honneur.
Mais pour rien au monde je n'aurais pu rester dans ce Belleville qui mourait, assassiné par les politiques et les promoteurs, ce quartier que j'avais vu vivre, respirer et procurer de la vraie vie à ses habitants, malgré les taudis qui y existaient mais pour lesquels il eut fallut apporter un peu d'argent pour rénover, adapter, et améliorer le confort.
Saviez-vous que Jo Privat, le créateur du Balajo, demeurait près de chez vous, rue des Panoyaux ? Croisait-on, dans votre jeunesse, les célébrités du quartier ?
Accordéon, qui se resserre et se détend comme les cœurs. Qui chantait cette chanson ? Albert Préjean, peut-être.
Non, je n'en savais rien, je l'ai découvert bien plus tard à l'occasion d'une lecture. Je me suis contenté de danser sous le charme de son piano à bretelles dans son palais de la rue de Lappe. Il savait insinuer juste ce qu'il fallait de jazz dans son musette, un peu comme Claude Nougaro avec Lejazz et la java.
J'aimais sa frimousse de titi parisien avec sa gâpette fièrement installée sur le crane comme il le fallait à cette époque et dans le quartier, la gâpette où l'on fixait la visière avec des épingles à tête pour ne pas ressembler à un livreur de journaux.
A part Maurice Chevalier, aux Folies Belleville, je ne me rappelle pas d'autres célébrités. Les vraies, les authentiques célébrités étaient tous les Titis qui couraient la gueuse à l'occasion, ceux qui se bagarraient pour elles. Je me souviens de tous ces gars qui, le beau temps venu, descendaient fièrement la rue le dimanche matin en maillot de corps immaculés et moulants, ils étaient beaux, de vrais aminches. L'un d'eux, pas mal baraqué, on le surnommait Robert la grande gueule. Pour l'avoir grande, il l'avait, mais pas grand risque car c'était de la frime. Bon le voilà habillé pour l'hiver le pauvre, mais il était quand même sympa.
Quel souvenir vous reste-t-il de la rue du Pressoir ? Car vous avez certainement arpenté ses trottoirs.
Je sais que je vais vous décevoir et j'en suis sincèrement désolé, j'aimerais pouvoir vous parler de la rue du Pressoir, vous dire que j'en ai des souvenirs mais malheureusement je n'en ai aucun. Et à présent, je me trouve un peu idiot à rester devant ma feuille blanche sans pouvoir vous en dire le plus petit mot. Cette rue ne m'est pas inconnue, je la connais de nom au même titre que la rue des Maronites, d'Eupatoria, et bien d'autres du quartier, je suis persuadé y avoir traîné mes bottes comme on dit, mais je n'ai aucun souvenir à lui attribuer.
Toute proche, la rue Etienne Dolet, je me souviens de l'école, non pas pour l'avoir fréquenté afin de m'y instruire mais plus prosaïquement parce que je venais y faire la queue en me relayant avec mes sœurs et ma mère pour y retirer les tickets d'alimentations avant le début du mois, pendant la guerre. J'ai cité plus haut les rues des Maronites et d'Eupatoria mais pour ces deux rues non plus je ne peux faire jaillir le souvenir, contrairement à toutes celles du quartier pour lesquelles je pourrais écrire pendant des heures. Je n'ai fait qu'y passer voilà tout. Mon cher Guy, à toutes et à tous, à ceux qui ont fréquenté cette rue et à cet espace sur larue du Pressoirqui m'accueille si fraternellement, je vous renouvelle mes regrets mais je vous dois la vérité.
Pour conclure cette interview si vous me le permettez, je voudrais vous dire tout le plaisir que j'ai eu à y répondre. Confier à mon papier tous ces souvenirs, qui arrivent comme des larmes que l'on ne peut retenir, et en prime savoir ou espérer qu'ils seront lus et partagés, me donne la sensation du passage de flambeau.
Nous avons chacun notre BELLEVILLE et MENILMONTANT,nous les portons en nous comme un reliquaire du souvenir, nous les connaissons différemment mais nos souvenirs par nous réunis composent de bien jolies chansons comme Je me souviens d'un coin de rue aujourd'hui disparuetMénilmontant mais oui Madame, c'est là que j'ai laissé mon cœur... Merci monsieur Trenet, merci mon ami Guy Darol. Robert
Lucile : Je suis née en 1935, à Paris, dans le 12ème arrondissement. Plus précisément 36 cours de Vincennes, là où maman nous a mis au monde, moi et mon frère trois ans plus tard. La clinique n'existe plus depuis bien longtemps, mais l'immeuble a conservé sa jolie porte "arts déco" et c'est pourquoi je donne ces détails ! Je vous joins une photo en annexe pour illustrer mon propos.
Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?
Lucile : Vraisemblablement la rue des Maronites, puisque c'est au 24, juste en face de la rue du Pressoir, qu'habitaient ma grand-mère, puis mes parents dès leur mariage.
Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?
Lucile : Mon plus lointain souvenir remonte à mes toutes premières années, lorsque ma grand-mère me hissait sur le rebord de fenêtre de son troisième étage pour que je puisse voir les chèvres du marchand de lait et fromages qui s'annonçait à coups de trompette. Comme elle est descendue vivre au premier étage en 1938, je peux situer aisément cette scène dans le temps.
Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?
Lucile : Depuis que j'ai fait connaissance avec votre site, ma mémoire est souvent "chatouillée" ! En période d'insomnies, je revois chacune des maisons de la rue des Maronites, nos commerçants de la rue du Pressoir, les marchandes de quatre saisons de la rue de Ménilmontant, le 96 qui remontait la pente. J'entends encore le cliquetis de la machine à distribuer les tickets et le signal du départ donné par le machiniste dès qu'il avait replacé la chaîne de la plateforme arrière. Tant d'autres choses encore : le boulevard et la rue de Belleville, le faubourg du Temple, le canal et La Grisette... Bref, je n'ai pas oublié grand chose je crois.
Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?
Lucile : A vrai dire, je ne sais pas pourquoi mes grands parents maternels avaient quitté la rue Saint-Blaise et le quartier de Charonne pour s'installer à Ménilmontant. Ils étaient tous deux parisiens, de condition modeste, et n'auraient jamais, je pense, envisagé de s'exiler dans le 16ème !Quant à mes parents, ils se plaisaient dans leur quartier, même si Papa était né, lui, dans le 17ème.
Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?
Lucile : Papa était ajusteur et maman secrétaire-comptable. Comme je vous l'ai déjà raconté, dès les premiers beaux jours, et a fortiori pendant les vacances, ils prenaient la clé des champs, et nous avec eux ! L'hiver, en dehors de la mécanique automobile et du bricolage pour Papa, le cinéma était la principale distraction familiale.
Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?
Lucile : J'allais à l'école du Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, comme Maman avant moi. J'ai également fréquenté le patronage qui y était situé et j'y ai beaucoup appris.
Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?
Lucile : Il n'était pas question que je descende jouer dans la rue ! Ma grand-mère se serait peut-être laissé attendrir, mais les instructions maternelles étaient formelles !
Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?
Lucile : La rue du Pressoir ? mais c'était mon théâtre... Je ne participais pas. Je regardais et j'écoutais. Le café du coin, chez Gaston, était l'avant-scène et comme je connaissais de vue l'ensemble des habitants de la rue du Pressoir, tout au moins ceux qui ne dépassaient pas le tourne-à-gauche, juste après le passage Deschamps, je m' inventais des histoires.
Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?
Lucile : Je ne retourne pas spécialement rue du Pressoir, mais je vais souvent à Ménilmontant car notre fils y a un atelier et habite Belleville. J'aime bien retrouver cette atmosphère cosmopolite, j'ai l'impression d'être en voyage dans un pays où je serais tout à fait à l'aise. J'avoue toutefois que je suis "touriste" : je n'aimerais pas revivre l'inconfort de ma jeunesse.
Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?
Rue Julien-Lacroix
Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?
Je marche le long du square Sorbier
Quelles sont les images qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?
Les trottoirs et les escaliers qui montent
Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?
C'était l'immeuble des parents de ma mère, vide après la déportation de sa mère.
Que faisaient vos parents ?
Ma mère travaillait à la maison puis plus tard dans un bureau, mon père sur des chantiers ; leur loisir était le cinéma : rue de Ménilmontant, rue Jean-Pierre Timbaud.
Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?
L'école de la rue Julien-Lacroix à deux pas de chez moi et auparavant l'école maternelle de la rue des Couronnes.
Où alliez-vous jouer ?
Dans la cour du 22 rue Julien-Lacroix et un peu passage Ronce.
Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?
Ma mère que j'accompagnais rue des Couronnes, juste à côté, pour chercher et porter du travail (colliers) à domicile.
Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?
Une immense tristesse et un profond ressentiment à l'égard des urbanistes (?) criminels (et des politiques tout aussi méprisants et méprisables) qui ont transformé ce quartier (mais aussi la Place des Fêtes où j'habitai plus tard) en banlieue aussi laide qu'impersonnelle.
A Agnès, la maman à Guy qui habita rue du Pressoir
On sait bien que le principal caractère du temps est l'irréversibilité qui fait retentir l'accent funèbre de 'jamais plus' et qui donne aux choses qu'on ne verra jamais deux fois cette extrême acuité de volupté et de douleur, où l'absolu de l'être et l'absolu du néant semblent se rapprocher jusqu'à se confondre. L'irréversibilité témoigne donc d'une vie qui vaut une fois pour toutes.
Je regarde autour de moi, comme égaré, comme si le temps en un tour de manivelle avait viré à la laideur et m'avait confisqué tous mes repères.
Qui contemple cette magnifique photographie d'Henri Guérard, majestueuse de beauté, ne peut que regretter ce qu'était ce quartier, autrefois. Aujourd'hui, il va de soi qu'on se sent un peu perdu : de la nostalgie, mais aussi la lassitude des combats que je mène pour un Paris plus humain, me gagne, et semble de plus en plus s'éloigner de mes désirs. Certains élus et hommes politiques, eux, ont comme rêve, le grand Paris à la Défense. Mais par ici, le quartier change, aussi, ne s'arrête pas de changer, de s'enlaidir ; plus de vignes vierges, ni de tonnelles, plus de lopins de terre, plus de luzernes, les collines ressemblent à des toboggans pour voitures et se grimpent par ascenseurs. Les chemins qui nous arpentions autrefois pour monter aux Buttes-Chaumont ont totalement disparu. La butte n'est accessible que par des escaliers cimentés ou par voitures et autobus ; la rue Vilin que j'emprunte, découragé devant le spectacle de pierres tombales des façades des nouveaux immeubles me désoriente en ces jours de Toussaint. La rue est déserte, elle est toujours déserte, nulle vie, pas de vibrations, aucun commerçant, pas de bistrots, ni voitures, pas d'enfants jouant dans la rue, pas un chat ni un chien, les oiseaux doivent sans aucun doute éviter l'itinéraire par où je passe. Où sont les pigeons de Paris ? Déboussolés, eux aussi, sans doute. Je rêve, malgré tout, devant toute cette mort. En changeant de trottoir pour traverser la rue, là, à l'emplacement de cet immeuble blanc, où habitait mon ami Georges Pérec, je me souviens de ses livres qu'il échafaudait comme un bon maçon monte une maison : terrassement, déblaiement, construction. Il m'a dit, un jour : « Je suis comme Nathalie Sarraute qui a besoin de s'installer aux Deux Magots pour se mettre au travail, moi, j'ai besoin de la rue, une terrasse en plein soleil, à raz des voitures ; sinon, ma piaule là-haut, c'est mon laboratoire chirurgical ». Ici, aujourd'hui, tout ce que connaissait Georges, a disparu ; ils ont tout tué. Massacré, enterré.
Mon imagination n'est plus contrôlable devant la déception qui me secoue. Faire du tourisme n'a jamais été mon truc. Ni au bout du monde où je suis déjà allé plusieurs fois, ni non plus dans mon quartier entre Bastille et Nation. Encore moins ici, patrie de nos aïeux qui ont vu défiler des générations et des générations de manifestants : « C'est la lutte finale... ». Ce n'est pas par discrétion que je m'habille de sombre, ni de peur d'être reconnu dans la rue. Je n'ai rien à craindre des policiers, mais pour marcher je revêt l'habit du commun des mortels : pantalon gris, col roulé noir, godillots de fossoyeurs ou espadrilles de charpentiers, comme si j'allais escalader le ciel qui toujours ouvre ses bras aux terriens. Ce n'est pas pour cela que je vais triste ; non, pas du tout. Dans ma tête, le rêve a toujours sa place ; là, au moins, il est à l'abri. Je souris aux deux jeunes filles qui me croisent et ne se lassent pas de me sourire ; alors je continue mon parcours, content, je ris en les saluant d'un geste chaleureux de la main. Elles me répondent par un geste semblable et un sourire valant son pesant d'or. Alors, tout à coup, en grimpant la côte qui va là-haut sur la butte, je crois gravir le sommet d'un sein, de deux seins même, ou le creux de jolies courbes tendres qui s'aiguisent en poire, que je monte lentement, lentement, très heureux, sachant que je vais vers de nouveaux désirs, vers les tétons sensuels pour y laisser en leur sommet la salive de la reconnaissance.
Je marche sur la pointe des pieds, comme sur des œufs, je ne sais pas pourquoi je suis si respectueux de mes concitoyens, peut-être, pour ne pas réveiller mes mauvaises habitudes vieillissantes, ou alors, leurs soupçons. Marcher, marcher, respirer, sentir la pleine campagne sur les bords d'un chemin de terre, où les paysans, après la moisson, ont fait de petits tas de foin liés, et les ont aligné, semblables à des œuvres d'artistes. Je plane. Je suis certain que je suis au siècle passé sur un chemin menant vers des trésors. Les jeunes filles qui me croisent se protègent sous leur ombrelle pour s'abriter du soleil téméraire et vont vite retrouver leur amoureux assis sous un olivier dans l'attente de leurs BELLES, après la dure journée de travail dans les vignes. Puis, elles reviendront, blotties l'une contre l'autre, marchant jusqu'au vieux pressoir autour duquel sont regroupés les habitants du village buvant le dernier cru, vin de terroir. C'est le vrai Ménil-Montant. Je me crois dans un siècle éloigné, au XIIe. Au loin, Notre-Dame de Paris, le seul haut édifice, vient de s'achever sans doute. Des hommes ont travaillé presque deux cents ans, la ville n'est pas si grande, elle est au loin, comme un petit village entre deux bras de rivière que dominent les collines, par où la laitière, solitaire, passe avec ses bidons, pour livrer le lait en croisant certes les amoureux, bras dessus, bras dessous qui songent au possible de la soirée qui les attend, appuyés contre un cœur aimant et aimé. Bienvenu Merino
Au 23-25 de la rue du Pressoir c'est là que je suis née, c'est là que je vécus les 19 premières années de ma vie et au fil du temps j'ai bien évidemment tissé des liens précieux avec certaines personnes.
Monsieur et Madame Gilles font partie de mes plus tendres souvenirs, leur épicerie se situait en angle de l'immeuble du 23 surnommée, par beaucoup, la boutique rouge. Nous y trouvions de tout et en plus, la maison faisait crédit ce qui rendait bien des services à certains.
Monsieur Gilles, un personnage grand et sec, toujours vêtu d'une blouse grise. Madame Gilles, petite bonne femme brune et boulotte portant un tablier bleu marine, une mitaine en laine, à la main gauche, ne laissant dépasser que le bout de ses doigts. Mauvais souvenir d'un couteau trop bien aiguisé lui ayant sectionné un tendon.
Si mes souvenirs sont bons, tous les deux étaient d'origines Auvergnates, pas d'enfant, la vie en avait voulu ainsi. Des gens charmants, serviables que j'appréciais et que j'aimais regarder travailler. J'attendais que Monsieur Gilles rate la coupe d'une tranche de saucisson, je savais que cette tranche serait pour moi. Enfant, très souvent je me retrouvais avec eux dans la boutique, ils m'aimaient bien.
Je me rappelle, face à l'entrée du magasin se trouvait un grand comptoir dont une partie se soulevait pour passer derrière ce comptoir où trône la balance et ses poids. A côté de cette porte de passage, le réservoir à lait et juste derrière, sur la droite, l'arrière boutique. Sur la gauche, un retour de comptoir où sont alignés les bocaux de bonbons et au fond, une porte donnant sur un petit couloir avec un escalier menant à leur appartement. En face de cet escalier, une porte ouvrant sur la courette où se trouvaient les minuscules fenêtres des cuisines du 23.
Une petite anecdote qui reste dans nos mémoires, la gentillesse de Monsieur Gilles faisait qu'il gardait, pour ma sœur aînée Monique, les croûtes de gruyère et de ce petit manège entre Monsieur Gilles et ma sœur, il en a été bien trop vite déduit, par certains clients, que ma sœur ne mangeait pas à sa faim. C'était juste son pêché mignon, pour ma sœur les croûtes de gruyère et pour moi le saucisson.
Les jours de fermeture de la boutique, si ma mère avait besoin, j'étais autorisée à passer, par derrière, comme je disais, Monsieur et Madame Gilles étaient toujours présents pour me servir.
Un dimanche matin, maman m'envoya chercher quelques courses, je devais avoir 13 ou 14 ans, je passerai donc par ce couloir entre la loge de la concierge et l'escalier du 23, un petit couloir étroit, le noir complet, comme à chaque fois j'ai peur, ce couloir oblique sur la gauche et laisse apparaître la lumière du jour et enfin j'arrive dans la petite courette. Au fond se trouve la porte de Madame Gilles, à côté, sur la gauche, sont entassées des cagettes, comme à mon habitude je frappe et Madame Gilles vient m'ouvrir.
Je revois distinctement ce jour sans pourtant me rappeler l'année exacte, je vois, encore, Madame Gilles m'ouvrir sa porte, la refermer derrière moi et m'annoncer la mort de Monsieur Gilles, dans la nuit, d'une crise cardiaque. A ce moment, je suis devant l'escalier, je lève la tête et mon regard se fige, un instant, vers le haut de cet escalier, j'imagine Monsieur Gilles reposant au 1er étage. Madame Gilles ne pleure pas, elle est seule, elle m'entraîne dans la boutique pour me servir. Je repars bien triste, je vais prévenir mes parents. Jamais je n'oublierai Monsieur Gilles.
Comme les monts d'Auvergne, Madame Gilles est robuste et très courageuse, elle continuera seule, je l'aiderais à porter et à rentrer, dans l'arrière boutique, les caisses de vins et autres boissons, il n'y a plus beaucoup de force dans cette main accidentée, il lui faut un peu d'aide, je suis là.
Une sacrée bonne femme Madame Gilles, je ne l'ai jamais revue après mon départ en 1966, juste un au revoir et je le regrette. Il me reste, malgré tout, en mémoire tant de souvenirs.Josette
En 1960, après notre mariage, nous sommes venus habiter le 25 de la rue du Pressoir. A cette époque, j’étais Pompier de Paris, caserné dans le 7earrondissement, et mon épouse, aide-soignante à l’hôpital Saint-Antoine. Nous avions repris le petit deux-pièces, au quatrième étage donnant sur la rue. Il était occupé jusqu'alors par la sœur et le beau-frère de mon épouse, les parents de Guy. J'ai un immense souvenir de cet appartement propret et clair, ensoleillé, et confortable à la fois. Il possédait une petite cuisine toute équipée, eau froide et chaude sur évier, rare dans ces vieux immeubles où la fontaine d'eau courante se trouvait sur le palier. Bref, pour nous, jeunes mariés, c'était féerique. Pour parfaire ce bonheur, une petite fille est venue au monde l'année suivante. Notre voisine de palier, s’appelait Régina, une polonaise d’origine juive. Il arrivait, certaines nuits, que notre fille tout bébé, pleurait, inconsolable. C’est souvent que Regina, réveillée par les pleurs, arrivait, prenait la petite dans ses bras, la berçait en lui fredonnant une berceuse de son pays. Le miracle alors se produisait et bébé s’endormait. Que de services nous a rendue cette brave femme. Après l’expulsion de l’immeuble elle est partie en Israël, avec son ami Maurice, fabriquant de casquettes dans le Sentier. Un brave homme lui aussi.
Que dire de cette rue, de ce quartier de Ménilmuche que mes parents ont fort bien connu, étant nés et y ayant vécu tous les deux leur adolescence, rue Julien-Lacroix ou Impasse des Couronnes. Ce fut d'ailleurs pour eux comme un pèlerinage quand ils sont venus chez nous la première fois. Que d'anecdotes nous ont ils racontés ce jour-là.
Maman se souvenait d’une camarade de classe qui habitait le 23, une jolie fillette avec une superbe chevelure qui lui descendait jusqu'aux reins. Un jour, une femme armée d'une paire de ciseaux l'attendait Passage Deschamps et, malgré les cris de l'enfant, lui coupa une bonne partie de ses longs cheveux, avant de s'enfuir. C'était courant à l'époque, car souvent, certains perruquiers malhonnêtes, payaient un bon prix les belles chevelures.
Je repense souvent à ce quartier, à ces rues populaires aux multiples commerces et ateliers d’artisans, aux petits bistros-hôtels où logeaient des travailleurs maghrébins, seuls, loin de leurs familles, passant leurs dimanches à jouer aux dominos devant un thé à la menthe. Nous avions de bons rapports de voisinage avec ces hommes. L’un d’eux nous avait racheté notre 4 CV.
A cette époque, nous n’avions pas les supermarchés pour faire nos courses ; tous les commerces étaient à notre portée. Par exemple, je ferme les yeux, et je me rappelle…
En sortant de la station de métro Couronnes, nous prenons la direction de la rue du Pressoir. En remontant la rue des Couronnes une boulangerie, deux boucheries dont une chevaline, les vins Nicolas, une friterie légumes cuits, très pratique pour les jours ou l’on a pas envie de cuisiner.
Et, arrivés à notre porte, sous nos fenêtres, au 25 de notre rue du Pressoir, l’Epicerie de Mr et Mme Gilles. Là, nous trouvions tout ce que nous avions le plus besoin : fruits et légumes, crèmerie, lait, beurre, fromage, les eaux minérales, vins, apéros, etc. Pratique en cas d’imprévu.
Au 23, il y avait un garage, où je pouvais garer notre 4 CV, et faire effectuer son entretien et réparations. Mon coiffeur Louis, rue des Maronites…
Oui, nous avions tout à notre disposition, le marché sur le boulevard, la poste rue Etienne-Dolet, des bains-douches prés du métro Couronnes, a côté d’un magasin de bois et bricolage.
Et puis, à deux pas, la fameuse rue de Ménilmontant, avec ses boutiques, le cinéma Le Ménil Palace, Prisunic. Le tabac et son PMU, où je faisais mon tiercé le dimanche matin.
Actuellement, nous habitons dans les Yvelines, une petite ville où les commerces disparaissent les uns après les autres, pour laisser la place a des banques et agences immobilières. Aujourd’hui, à 30 kilomètres de Paris, et pour trouver à peine l’équivalent des commerces énumérés plus haut, il nous faut prendre la voiture et parcourir trois ou quatre kilomètres, et souvent plus, pour acheter ce que nous trouvions sur place, à Ménilmuche.
Au cours des années qui suivirent, les expropriations et démolitions commencèrent. D’abord, par le côté des numéros pairs de la rue du Pressoir. Ce fut la fermeture des petits ateliers et différents commerces. Puis, en 1967, ce fut à notre tour de partir. Relogés dans un immeuble neuf et moderne prés de la place d’Italie, nous nous sommes retrouvés avec plusieurs ménages venant du 25 ou du 23 rue du Pressoir ainsi que le couple de la Boucherie située rue des Couronnes.
Le confort de notre nouvelle résidence nous fut agréable à tous, mais les liens qui nous unissaient dans notre petit « village » s’estompèrent, pour disparaître à jamais. Nous ne sommes pas retournés voir ce qui était advenu du quartier, c’est par les photos et les témoignages de ce remarquable site que nous avons effectué notre visite. Georges, juillet 2009
Photo prise en 1963 dans la salle à manger. Elle était claire et ensoleillée.
Professeur au Collège de France où il enseigna l'histoire de Paris,Louis Chevalier(1911-2001)rédigea plusieurs ouvrages sur la capitale dont celui-ci, une philippique contre l'entreprise de démolition emmenée par le coupleDe Gaulle/Malraux.
Destruction programmée à partir de 1955-1958, le plan consiste (sous prétexte d'insalubrité) à déplacer des populations mixtes, pluri-ethniques, harmonieuses, dans les lointains d'une banlieue ou vers des ensembles parisiens déconnectés de toute vie de quartier.
Publié en 1977,L'Assassinat de Parisdécrit le processus qui consiste à supprimer de la carte de Paris des rues, des "ilôts" au prétexte de la nécessité d'un nouveau Paris dont nous remarquons aujourd'hui lemodus vivendi.
Et c'est l'un des très rares livres à évoquer la rue du Pressoir où l'honorable Louis Chevalier vécut. Et peut-être saura-t-on m'en dire plus ?Guy Darol
L'Assassinat de Paris
Louis Chevalier
Editions Calmann-Lévy, 1977 puis Editions Ivréa 1997
Parfois, mes pas me rapprochent de la rue du Pressoir qui vous est si chère. J'aime encore flâner dans les quartiers populaires que sont Belleville et Ménilmontant et, qui malgré les promoteurs qui défigurent les endroits où ils ne vivront jamais, ont su préserver une identité propre à cette partie du vingtième.
Ce dimanche de mai je franchissais la frontière qui sépare nos deux arrondissements par le boulevard de Belleville pour m'engager dans la rue des Maronites. Instinctivement, j'évite toujours la rue des Couronnes dont l'urbanisation outrancière est insupportable aux objectifs de mes appareils photographiques. En coupant par la rue du Liban, j'arrive directement sur le parvis de l'église Notre Dame de la Croix que je suis venu photographier depuis la place Maurice Chevalier. La ritournelle de l'orgue de barbarie qui m'est si familière arrive jusqu'à moi portée par les vents froids de ce mois de mai si capricieux. Sur la place de Ménilmontant on donne un petit bal. Les tourneurs sont accompagnés d'un accordéoniste et les flonflons plus joyeux du piano à bretelles invitent les danseurs à quelques valses et javas endiablées. Je retrouve le Belleville si bien raconté par Clément Lépidis et photographié par Henri Guérard et Willy Ronis. Le Belleville que j'aime avec ses mecs sapés comme des arsouilles, ses anars et ses gamins qui espérons le, prendront la relève pour tourner la manivelle ou pour chanter "les gars de Ménilmontant".
Lucile nous propose cette réunion d'ouvriers communistes dans un café du 20ème arrondissement, dans les années 1930. Où l'on reconnaît Maurice Thorez, 5ème à gauche.
Chaque dimanche, nous publions sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages. NOUS CONTACTER
Suite à l'évocation de Lucile concernant la petite épicerie auvergnate de la rue des Maronites, côté impair, celle dans laquelle nous pouvions nous procurer les fameux grattons et bien d'autres choses encore, notamment, des bananes séchées.
En effet, beaucoup de souvenirs resurgissent. Je n'avais pas encore six ans, une cousine de maman arrivait de Turin avec ses deux fils. Ceux-ci devaient disputer un match de foot à Paris. Par la même occasion, nous rendre visite et faire la connaissance de mon petit frère qui avait six mois. Mes parents appréciaient les grattons, moi, les bananes séchées. Ce souvenir est très présent, car je suis allée dans cette petite boutique avec mes cousins et maman.
Ils ont acheté pour moi ces délicieuses bananes séchées qui paraît-il permettraient sans aucun doute de gagner le match! Pour les autres membres de la famille... il y avait les grattons.
D'autre part, je me souviens bien, en sortant de chez moi, (le 31), sur ma gauche cette fois, après le bar, d'une boucherie chevaline. L'encadrement du magasin était peint en rouge écarlate, avec au-dessus de l'enseigne, une grosse tête de cheval toute dorée. A l'intérieur, tout était carrelé de blanc. Je devais avoir neuf ans. Ensuite, il y avait un petit atelier "France Cadres" ; c'était une fabrique d'encadrements pour photos, gravures, etc... Puis je revois l'épicerie tenue par Madame "Chémol" et son fils. Pour la petite histoire, mon petit frère disait toujours : " On va chez Mol? ". Une blanchisserie se trouvait peut-être avant l'Epicerie. Toujours du même côté, se situait l'Herboristerie.
Par contre, j'ai mentionné dans un précédent commentaire l'existence d'une cordonnerie en sortant de mon domicile, côté impair, sur ma droite. Le nez de ce petit homme était chaussé de lunettes rondes. Il avait une casquette bien ajustée sur son crâne. Sa boutique exiguë dégageait une forte odeur de cuir. Cela ressemblait plutôt à un cagibi !
Juste avant le cordonnier, il y avait un bar ( encore un! ). Au-dessus se trouvait le petit appartement d'une camarade de classe qui s'appelait Ida. Parfois, j'allais lui rendre visite. Ce que j'appréciais c'est qu'elle avait deux fenêtres sur rue ! Quelle aubaine ! Chez moi, les fenêtres donnaient sur la cour (la petite). C'était beaucoup plus frustrant ! A côté du bar, une cour donnait accès à des petits ateliers de confections, dont l'un était tenu par le père d'Ida. Il fournissait du travail à domicile. Deux de mes voisines cousaient chez elles. Lui, son père, confectionnait des pantalons.
Dans l'immeuble où résidaient le frère de maman et sa famille, il y avait une coiffeuse, qui travaillait à domicile, elle possédait une vraie salle de bains ! La pièce était verte, avec des carreaux de faïence noirs. J'étais fascinée lorsque nous y allions avec maman.
D'autres souvenirs de la rue des Maronites vous seront racontés un peu plus tard, car je trouve préférable d'écrire à petites doses, afin que tout le monde puisse s'exprimer. A bientôt... Nicole
La relecture des billets de Josette a déclenché dans ma tête l’ouverture de la boîte à souvenirs.
Cela n’a rien d’original, mais juste après le 23/25 de la rue du Pressoir, se trouvait le 27 …
Une porte coincée entre l’angle de la rue et le garage donnait accès à un couloir, puis à une cour, où un raide escalier extérieur menait directement à un vaste local largement vitré.
Là, sous la houlette de « Mademoiselle Claire », une dizaine d’employées fabriquaient des articles de bonneterie à partir de gros rouleaux textiles dans lesquels elles découpaient les pièces à assembler. Cela m’impressionnait de voir avec quelle facilité la lame mordait les couches de tissu superposées, dans le bruit caractéristique des machines à coudre qui constituaient l’équipement principal de l’atelier.
J’ai eu accès à ce lieu à la fin de la guerre, lorsque Maman qui n’avait pas encore retrouvé d’emploi dans sa profession, y travailla quelque temps. En effet, depuis qu’elle avait quitté l’école, elle occupait un poste d’aide-comptable au siège des Pompes Funèbres Générales, boulevard Richard Lenoir. (Elle en gardait le meilleur souvenir et racontait, avec malice, que ce furent les années les plus drôles de sa vie professionnelle !) Au moment de l’exode, les PFG allèrent s’installer à Flers, dans l’Orne, et maman ne put les suivre ;Papa était mobilisé et nous étions nés, mon frère et moi. Elle piqua donc à la machine sans grand enthousiasme en attendant de pouvoir exercer à nouveau son métier.
Pour en revenir à cette petite entreprise du 27 rue du Pressoir, je me souviens que le patron passait pour être un peu distrait. Il habitait place de Ménilmontant, dans un de ces immeubles cossus qui forment encore un arc de cercle entre le boulevard de Belleville et la rue Oberkampf. Un matin qu’il était mal réveillé ou particulièrement préoccupé, il se retrouva sur le quai du métro… avec sa boîte à ordures qu’il avait oublié de vider dans la poubelle collective !
Je suis étonnée que les anciens de l’immeuble du 23/25 rue du Pressoir n’aient pas mentionné l’existence de cet atelier qui assurément créait de l’animation dans leur secteur. Ne serait-ce que par le va-et-vient des employés et des ouvrières à domicile qu’il faisait travailler.
Mais peut-être n’existait-il plus dans les années 50 ? Lucile
Josette, devant le magasin de jouets, rue des Maronites, en 1953
En parcourant le récit de Lucile qui nous conte si bien la rue des Maronites, malgré quelques problèmes, que j’espère passagers, j’interromps, un instant, mon silence radio, le billet de Lucile méritant quelques commentaires.
Rien qu’à la lecture de ce billet, je suis transportée dans le temps, mon imagination débordante m’aide à me retrouver au début des années 50 où avant de remonter la rue des Maronites et de m’engager dans la rue du Pressoir, je vais m’arrêter à l’angle du boulevard de Belleville et m’attarder devant ce magasin de voitures d’enfant décrit par Lucile. J’ai un souvenir encore très présent de ce commerce, un magasin de voitures d’enfant mais aussi de jouets. Maintes fois, le nez collé à la vitrine, j'ai regardé, avec envie, les magnifiques poupées bien trop chères pour nous. Du souvenir de ce magasin, il me reste une vieille photo jaunie et abîmée, datant de 1953, où je pose, timide mais fière, les yeux écarquillés, aux côtés du Père Noël. Un autre point fort dans le récit de Lucile : l’entreprise aux portes métalliques vert foncé. Cette entreprise se situait, effectivement, un peu plus haut après la boulangerie du coin. Comment oublier les Ets Léon Weill, fabricant de boucles en métal (il me semble pour chaussures, sacs et ceintures). Maman a fait partie, un temps, de ces femmes qui tout en travaillant à leur domicile pouvaient s’occuper de leurs enfants. Si je me rappelle bien, cette entreprise employait pas mal de salariés qui fournissait, en plus, du travail à domicile. Ce travail consistait à accrocher la pointe à la boucle en abaissant une espèce de petite presse, d’un coup sec. Il fallait, malgré tout, un bon coup de main et un sacré rendement pour se faire un petit pécule. J’ai eu la chance ou la malchance d’avoir un père ingénieux qui, un peu pour lui et beaucoup pour moi, fabriqua à l’identique une autre presse, la réplique parfaite de celle prêtée par les Ets Léon Weill. Résultat, un travail à quatre mains : deux fois plus vite et deux fois plus d’argent pour ma mère. De ce fait, nous pouvions, ma mère et moi, ramener ces gros sacs en toile de jute, très lourds, et récupérer, plus rapidement, le fruit de son labeur afin d’améliorer les conditions de notre vie difficile et arrondir les fins de mois. Lucile éveille, en moi, un autre souvenir au sujet du magasin qu’elle nomme « la caverne d’un rose délavé » et du personnage à l’image de sa boutique. C’est certain, cette espèce de fée bienveillante ne peut-être que laMère Fouillis. Tous les enfants de la rue du Pressoir la surnommaient ainsi. On trouvait de tout dans son bric-à-brac mais surtout, je confirme, des bonbons ! À éviter. Inoubliable Mère Fouillis. Des souvenirs importants pour moi qui ont marqué ma petite enfance et mon adolescence. Dans chaque récit, il existe toujours un petit quelque chose qui me rappelle un grand quelque chose. Si émouvants, les récits de Lucile ou de Nicole font ressurgir des souvenirs que je croyais à jamais enfouis. Dernièrement, en lisant celui de ce bébé fugueur qu’était Nicole, la fin de son récit a de suite fait remonter à la surface une image, celle de ma mère qui comme Nicole adorait la crème de lait. Très distinctement, je vois ma mère dans notre cuisine de la rue du Pressoir, devant une casserole de lait en ébullition, attendant que la crème se forme sur le dessus avec, déjà à la main, sa cuillère. Machinalement, comme lorsque j’étais gamine, j’affichais une grimace d’écœurement, supportant très mal de voir Maman manger cette crème à la cuillère. Voilà pour les quelques souvenirs, les plus forts, ceux sur la rue des Maronites que j’ai gardés en mémoire. Josette
Jusqu’au grand bouleversement des années 60, la rue du Pressoir prenait sa source dans la rue des Maronites, s’enrichissait au passage d’un petit affluent, le passage Deschamps, et amorçait un large méandre avant de se jeter dans la rue des Couronnes.
Si donc vous souhaitiez la remonter, il fallait emprunter la rue des Maronites.
J’ai constaté que plusieurs visiteurs du site y avaient de nombreux souvenirs et je vous propose d’y ajouter les miens.
Il est possible que mon témoignage ne suive pas fidèlement le cours des années, mais ce que je souhaite c’est raconter « ma » rue des Maronites, telle que tapie au plus profond de ma mémoire. Celle de mon enfance, de mon premier âge, juste avant que l’adolescence ne disperse ailleurs mes centres d’intérêt.
Dixit Jacques Hillairet, la rue des Maronites a un an de plus que la rue du Pressoir. Elle s’est urbanisée en 1836 sur les traces d’un sentier du XVIIIème siècle.
Elle démarre boulevard de Belleville, et cela commence très mal pour moi car je n’arrive pas à me souvenir du premier magasin côté pair ! Tout au moins dans les années 40. Après il y eût successivement un marchand de meubles, de voitures d’enfant… En face, une grande boulangerie animait l’angle, suivie d’un immeuble et d’une entreprise dotée de deux larges portes métalliques vert foncé. Suivait un café, avec une grande salle un peu sombre, légèrement en contrebas de la chaussée. Entre deux entrées d’immeubles, un marchand de couleurs (il me semble qu’il n’y a qu’à Paris qu’on parle de marchand de couleurs, ailleurs on dit un droguiste !).
En face il y eut un temps une pâtisserie très agréable, à côté d’un hôtel à la façade recouverte de carreaux de faïence blanc et bordeaux. Denise, la fille de la maison, allait à l’école avec moi. Des immeubles, puis la cour et les arrières de la Poste de la rue Étienne Dolet.
Je vais devoir maintenant naviguer de bâbord à tribord, sans souci de la circulation qui ne posait pas vraiment problème.
Côté impair, une toute petite boutique offrait aux amateurs l’éventail de la charcuterie auvergnate arrivée directement du pays. Mon oncle et ma tante ne manquaient pas d’y acheter des « gratons » chaque fois qu’ils nous rendaient visite. On y trouvait aussi des frites, et de la morue en beignet que l’on rapportait enveloppée dans de grands papiers blancs tout graisseux.
On ne la cuisinait pas chez soi, à cause de l’odeur.
À touche-touche, je revois comme si c’était hier la caverne d’un rose délavé où régnait une espèce de fée bienveillante. Sa porte était toujours ouverte. Quand on entrait, elle apparaissait tout étonnée du fond de je ne sais où, comme si elle venait de se réveiller. Elle arborait une chevelure foisonnante, portait des grandes lunettes, et suçotait constamment quelque chose. Elle vendait tout ce qui pouvait intéresser les enfants : des billes, des petits jouets, des perles, des pochettes-surprises… et des bonbons indéfinissables dont on avait l’impression qu’ils étaient là depuis toujours. La boutique sentait la fraise et la poussière : c’était complètement délicieux.
Un café/hôtel faisait suite, puis le Primistère, la grande épicerie, à l’angle de la rue du Pressoir. J’aimais bien aller chez « Madame Primistère », retrouver la caisse centrale, le carrelage propre comme un sou neuf et les étagères pleines de jolies boîtes de conserve. J’y allais toute seule, il n’y avait que la rue à traverser « en faisant bien attention » !
Sur le trottoir d’en face, après la Poste, le mur sans porte d’un atelier de menuiserie ouvert sur la rue Étienne Dolet portait l’inscription « Défense d’afficher, loi du 21 juillet 1881 ». Combien de fois me suis-je répétée cette phrase énigmatique en allant à l’école !
Pour rentrer à la maison, je passais devant l’épicerie des parents de ma petite amie Lisette. À la réflexion, je me demande aujourd’hui comment vivait cette famille tant il y avait peu de choses à vendre dans le magasin. L’hôtel meublé de Monsieur Castel le séparait de la boucherie du père de mon autre amie, Cécile. J’avais l’impression que Monsieur Castel passait son temps assis à son bureau, et était chargé de surveiller la rue, caché derrière un voilage.
Il faut que je m’arrête ici un moment car les souvenirs, bons et moins bons, se précipitent.
J’allais souvent chez Cécile où j’étais toujours bien accueillie. Ses parents, juifs d’origine polonaise, pressentant le pire, évacuèrent leurs trois enfants en zone libre dès qu’ils le purent. Le papa ferma bien sûr la boutique, disparut lui aussi, et la maman garda les lieux, sans sortir, tout le temps de l’occupation. Bien entendu, nul d’entre nous n’était au courant de sa présence et les faits ne nous furent rapportés qu’en 1945. La boutique fut rouverte lorsque revint notre boucher et maman lui fut toujours reconnaissante du beefsteak dont il lui fit cadeau pour régaler mon parrain à son retour de captivité.
La vie reprit son cours, et je retrouvai chez Cécile les grands plats de gâteaux que confectionnait sa maman, le parfum de la cannelle et des graines de pavot, qui me dépaysaient et me changeaient des tartes aux pommes de la maison ! (J’y pense à chaque fois que je me promène rue des Rosiers, dans le Marais).
On arrivait ainsi progressivement au cœur de la rue des Maronites : l’embouchure de la rue du Pressoir.
Arrivée là, j’ai des références ! Le 24, c’était « mon » immeuble et tout tournait autour ! Les habitants m’étaient tous connus, leurs habitudes et, pour certains, leurs appartements. J’y étais chez moi.
La bonneterie du rez-de-chaussée n’avait pas changé depuis les années 20. Je l’ai connue telle qu’elle figure sur la photo publiée sur le site. Les propriétaires avaient l’âge de ma grand-mère et la longue barbe de Monsieur Tabak était grisonnante, mais la vitrine, les casiers et le grand comptoir de bois dataient de la création du magasin. Le souci de mode n’intervenait pas sur le choix des articles présentés : on vendait du sérieux, du solide, on respectait religieusement le jour du sabbat et les traditions qui y étaient attachées. (Maman m’a souvent raconté que, Léa, l’une des fillettes de la famille qui avait son âge, mourait d’envie de manger du jambon qui lui était interdit et l’interrogeait souvent sur le goût que cela pouvait avoir !)
Une anecdote au passage : un soir des années 42 ou 43 - je ne me souviens plus exactement - alors que nous venions de nous endormir, grand branle-bas dans l’immeuble. On frappe brutalement à la porte : ma grand-mère va ouvrir, c’était la police qui, sans ménagement, pénètre dans le logement, me fait lever également et commence à fouiller partout. La même opération à chacune des deux portes des quatre étages. Rapidement, tous les hommes de la maison sont « invités » à se regrouper au rez-de-chaussée et on entend courir et parler allemand dans la rue des Maronites. Deux hommes bousculent un peu tout dans les deux pièces et se montrent agressifs en trouvant, dans la table de chevet de ma grand-mère, un nerf de bœuf qu’elle conservait là Dieu seul sait pourquoi car on ne craignait pas spécialement les attaques. Plusieurs voisines se regroupent chez nous et nous attendons avec inquiétude la suite des évènements. Des cris et des bruits de poursuite continuent à nous parvenir. Inutile de préciser que le temps nous a semblé long… jusqu’à ce qu’enfin les hommes soient autorisés à rentrer dans leurs foyers. On devait apprendre plus tard qu’un soldat allemand avait été tué dans un immeuble de notre rue. Sans plus d’explication.
Naturellement, ma grand-mère rapporte les faits à maman le lendemain matin. À maman qui passe par toutes les couleurs, car elle se souvient qu’un revolver de son père était caché dans le fond d’une armoire ! Le nerf de bœuf à côté était un jouet d’enfant ! Dans l’heure qui suivit, l’arme dûment dissimulée dans un journal, était discrètement jetée dans un égout du quartier …
Le 26 et ses deux étages, collé au 24, permettait la conversation de fenêtre à fenêtre avec Madame Baronnet, la concierge logée au premier. Au rez-de-chaussée, c’était la Cave, où l’on achetait le vin à la tireuse. Trois (ou quatre ?) grandes cuves contenaient le vin de table courant, les bouteilles « du dimanche » trônant à la place d’honneur sur les étagères. Je collectionnais consciencieusement les superbes étiquettes en couleurs dont on me faisait gentiment cadeau quand on n’en avait pas l’usage.
L’antre du bougnat suivait au 28. J’avais l’impression qu’on y servait à boire au milieu du charbon et des ligots tellement c’était noir. En hiver, le propriétaire, allait livrer à ses clients les sacs de boulets et d’anthracite coincés directement sur son dos. Le pauvre, un sac de jute sur la tête en guise de capuchon ne le protégeait guère de la poussière de charbon, si bien qu’il était aussi noir que sa boutique ! L’été, par contre, un camion lui livrait de la glace et l’on savait qu’on pouvait en trouver chez lui.
Après, c’était Legrand, le marchand de bois de construction dont le chantier était traversé d’une large allée ouverte qui épousait la dénivellation du terrain jusqu’à la rue Étienne Dolet. Il tenait bien à lui seul l’espace de deux boutiques. On se disait qu’il n’aurait pas fallu que le feu y prenne car tout le quartier aurait flambé.
Sur le trottoir d’en face, le café de « Madame Gaston » faisait l’angle de la rue du Pressoir. J’en ai déjà parlé et n’y reviens donc pas. La clientèle était d’habitués, chacun savait y retrouver qui, en fonction de ce qu’il avait à y faire ! On pouvait même y jouer au billard. Moi j’aimais bien Madame Gaston qui a toujours été très aimable avec nous, notamment si, exceptionnellement ou en cas d’urgence, il fallait recevoir ou passer un coup de téléphone.
Un coiffeur pour hommes précédait l’entrée du 23 dont on voyait souvent la concierge faire la causette sur le pas de la porte. C’était une vieille dame toujours vêtue d’une blouse noire à fleurettes. Elle vivait là depuis longtemps et avait de nombreux souvenirs du quartier de Charonne en commun avec ma grand-mère.
Au 25 - ou 27 peut-être ? - on était chez Madame Pouzet. J’adorais. On montait trois marches. On trouvait les journaux, les cahiers, la craie, les crayons à papier et d’ardoise, et les bonbons. Contre une pièce de dix sous on pouvait choisir un lot de friandises dans cinq ou six boîtes différentes : un rouleau de réglisse avec une perle de sucre rouge ou bleu au milieu, plus un roudoudou, plus une minuscule boîte de coco, un sucre d’orge, une sucette ou un bâton de réglisse à mâchonner. La seule difficulté était d’obtenir des parents la pièce de dix sous ! J’aimais bien aussi la petite boîte ronde en métal représentant une tête d’Africain et dont la langue se soulevait pour laisser passer les cachous. Mais ça, c’était plus cher !
Un autre café ( il n’en manquait pas dans le quartier) et on arrivait à la cour du 29.
Un porche à passer, et une cour donnant accès aux habitations. Pour moi, la cour du 29, c’était « la Fernande ». Je m’explique : cette dame dont je ne savais rien, était constamment entourée d’enfants d’âges divers qui l’accompagnaient dans ses courses. Elle transportait un cabas proportionné à l’appétit de sa nombreuse famille, et comme elle était aussi large que haute, j’avais l’impression que les sept nains de Blanche-Neige étaient en déplacement.
Toujours du côté impair, je me souviens du boucher de cheval, de la cour qui suivait et où justement logeait un équipage de deux énormes chevaux gris, de l’herboriste, du bureau de tabac, de ce que l’on appellerait aujourd’hui la maison de la Presse, et à nouveau d’un bar, à l’angle de la rue Julien Lacroix.
Longeant « mon » trottoir, après le marchand de bois, un immeuble qui devait être le 34, le café Chez Maurice, puis la boulangerie avant l’école maternelle. Je redoutais en allant chercher le pain de croiser un sale gamin, un grand qui devait bien avoir 12 ans, et qui s’amusait à me terroriser !
Pendant la guerre, la boulangère était indulgente et fermait les yeux sur les tickets de pain plus ou moins maquillés que mon cousin lui présentait. Elle prenait ses risques, qu’elle en soit encore remerciée !
La courte rue du Liban s’annonçait, avec la boucherie faisant l’angle, et immédiatement après le tournant à droite, l’échoppe du cordonnier. C’était un petit bonhomme, myope comme une taupe, qui connaissait parfaitement son métier et savait tirer le meilleur parti des vieilles paires de chaussures que l’on devait préserver, faute de pouvoir les renouveler. Pour les vêtements et les chaussures aussi, il y avait des tickets.
Une autre boulangerie formait l’angle de la rue Julien Lacroix. À cette époque le quartier était vivant, tout simplement parce que les nombreux petits commerçants étaient complètement immergés dans les lieux d’habitation et faisaient partie intégrante de notre quotidien, qui était aussi le leur.
Voilà. J’ai sûrement oublié beaucoup de choses et je compte bien sur vous autres, nombreux visiteurs du site, pour compléter ou rectifier mes souvenirs.
Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas vécu directement l’anéantissement de notre îlot du Pressoir et par conséquent, n’ai pas souffert de la séparation obligée d’avec mon milieu d’enfance à l’âge où cela s’est produit pour les natifs des années 45.
Je dois avouer, qu’arrivée à l’âge adulte, le délabrement des immeubles, l’exiguïté et le manque de confort des logements me pesaient.
Je continue à penser que l’amélioration des conditions de vie était indispensable pour tous. Reste que l’on ne peut que déplorer la méthode choisie pour la réaliser.
Une fanfare défile rue du Pressoir. Vue depuis la rue des Maronites. Années 1958-60
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